Enfants extraordinaires

Isabelle Weider : « L’inclusion des enfants porteurs d’autisme est un véritable travail d’équipe »

La Rédaction 4 octobre 2021
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Dans des classes spéciales de maternelle à visée inclusive, la famille et l’école collaborent autour de jeunes enfants porteurs de TSA. Isabelle Weider, orthophoniste dans une U.E.M.A.(Unité d’enseignement en maternelle autisme), met en lumière ce travail d’équipe autour de l’autonomie et de l’inclusion de ces enfants de 3 ans.

Isabelle, peux-tu nous parler de ton travail en tant qu’orthophoniste ?

J’accompagne et j’aide au développement du langage chez les enfants qui sont porteurs de handicap : soit de déficience intellectuelle, soit de troubles du spectre autistique (TSA). Je les aide à développer le langage ou à mettre en place un système alternatif pour avoir des outils de communication à leur portée.

Ma mission, c’est d’aider ces enfants à être des partenaires de communication et à avoir une certaine autonomie, soit par la parole, soit par un système d’aide à la communication comme des images ou une synthèse vocale.

Peux-tu nous parler de l’U.E.M.A., la structure dans laquelle tu accompagnes des enfants TSA ? 

Je travaille dans une Unité d’Enseignement Maternelle Autisme, une petite classe de 7 enfants porteurs d’autisme à visée inclusive. Cette classe spéciale se trouve dans une école ordinaire qui a pour projet de travailler la notion d’inclusion des enfants handicapés

L’accompagnement de ces enfants est réalisé à la fois par une équipe médico-sociale — un éducateur spécialisé, une éducatrice de jeunes enfants, une aide médico psychologique, une psychologue neuro-développementale, une psychomotricienne et une orthophoniste — et par équipe pédagogique constituée d’une enseignante spécialisée et d’une AESH collective. 

Cette structure est novatrice car chaque enfant bénéficie d’un accompagnement très fin autour d’un projet personnel détaillé. Toutes les 20 minutes, il est pris en charge individuellement par une personne différente. L’objectif est de lui donner un maximum de chances de développement dès ses 3 ans pour qu’il puisse intégrer un CP ordinaire. Pour que cela soit possible, nous intervenons de manière très précoce et intensive.

Comment ton travail participe-t-il à l’inclusion de ces enfants ?

Il y a mon travail en tant qu’orthophoniste qui vise à développer le langage de ces enfants. J’interviens aussi beaucoup auprès des enseignants des classes ordinaires. Je leur donne des supports visuels qui les aident à donner des consignes aux enfants TSA qu’ils accueillent dans leur classe quand le langage verbal n’est pas compris.

Mais surtout, c’est tout le travail de l’équipe ! Tout ce qu’on met en place dans cette classe de maternelle vise le développement de l’enfant, mais aussi son inclusion pour qu’il puisse, très rapidement aller dans une classe ordinaire une demi-heure par jour, par exemple, ou alors partager des temps de récréation avec les autres enfants de l’école. 

Notre travail d’inclusion se joue dans les détails de la vie de l’école. 

Concrètement, les enfants de l’U.E.M.A. partagent l’espace de la cantine avec les autres. On doit mettre en place certains dispositifs pour que ce temps soit supportable pour les enfants TSA, notamment au niveau du bruit. Pour donner un autre exemple, se mettre en rang et donner la main à un autre enfant est un exercice très courant en maternelle, mais souvent difficile à réaliser pour des enfants porteurs d’autisme à cause de difficultés au niveau sensoriel. Alors, on travaille tous ces moments du quotidien de l’école ensemble pour qu’ils puissent les vivre le mieux possible.

Au début de l’année scolaire, l’équipe de l’U.E.M.A. est allée dans les classes maternelles pour expliquer aux autres enfants, avec des mots très simples, ce qu’est l’autisme, ce qui est difficile pour ces enfants, ce qu’ils savent faire. Car ces enfants peuvent avoir de grandes compétences : certains connaissent toutes les lettres de l’alphabet à 3 ans, d’autres qui ont beaucoup de rigidité font des tours de cubes très régulières. 

L’équipe présente ce que l’enfant, dans ses particularités, a de valorisable.

Et aussi, comment en aménageant un peu l’environnement, on arrive à faire en sorte qu’il soit vraiment inclus et fasse partie de la classe

L’école arrive-t-elle à laisser une vraie place à l’U.E.M.A. ? 

Je crois que l’inclusion est un mouvement bipartite. L’école et l’équipe pédagogique doivent faire une place à l’U.E.M.A. Mais l’U.E.M.A. doit aussi faire une place à l’école. On voit que c’est surtout une décision collective portée par le projet pédagogique de l’école. Mais on se rend compte aussi que c’est aussi une décision personnelle — et je pense que c’est ce qui doit se passer dans la société pour inclure les personnes handicapées — de la part de chaque enseignant qui choisit de s’investir dans ce projet. En faisant une place à l’enfant, on laisse la place à ses spécificités. Le but, ce n’est pas qu’il s’adapte seul à un groupe d’enfants neurotypiques. Parce que ce n’est pas de la vraie inclusion. Notre objectif, c’est qu’il soit intégré au groupe avec ses singularités. 

Quelle position a la famille au milieu de tout cela ?

La famille a une grande place dans le sens où on ne peut pas dissocier un enfant de 3 ans de son système familial. Alors, on lui laisse une place importante dans l’échange, tout en laissant à l’école sa position de lieu sanctuarisé. L’école, c’est l’espace de l’enfant, pas celui des parents.

Collaborer avec la famille, c’est quelque chose de très prégnant dans mon métier d’orthophoniste. Si on veut mettre en place un système de communication avec des images, l’idéal c’est que l’enfant utilise ce système à la maison. Cela se fait forcément en coopération avec les parents. Sinon, on crée un clivage : l’enfant développe des apprentissages à l’école qu’il ne reproduit pas à la maison.

Car l’écueil qu’on rencontre beaucoup dans les troubles du spectre autistique, c’est que l‘enfant ne généralise pas. Quand il apprend une compétence dans un lieu, il a souvent du mal à la généraliser dans un autre, ce que ne fait pas un enfant au développement neuro-typique. 

Alors, on se doit de beaucoup travailler avec la famille pour que les notions travaillées au sein de l’école puissent être exportées à la maison. C’est en cela qu’on a un maillon intéressant au niveau de notre dispositif : une psychologue qui n’intervient qu’à domicile et qui fait le lien entre l’équipe et les parents. C’est elle qui aide les familles à mettre en place les mêmes outils que ceux mis en place sur l’U.E.M.A. 

On fait vraiment alliance avec les parents.

D’un côté on leur propose des outils, et de l’autre, on compte sur leur grande connaissance de leur enfant. Ce sont eux qui le connaissent le mieux, et notamment, qui nous partagent ce qu’il aime ou ce sur quoi on peut s’appuyer pour le motiver. Son livre préféré, un mouvement qui lui fait du bien, les aliments qu’il aime… On est dans cette coopération parce que les parents ont la connaissance de l’enfant qu’on n’a pas quand il entre à l’école, et nous, nous avons les outils pour simplifier l’autonomie et l’inclusion.

Car l’inclusion des enfants porteurs d’autisme en maternelle, c’est un véritable travail d’équipe. 

Ces propos ont été recueillis par Margaux Leguern.



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