Parents vieillissants

Profite bien de ton été !

Axelle Huber 22 juillet 2024
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Chère Fabuleuse,

Il y a quelques mois tes amis et famille t’avaient fait part de leurs hésitations quant à la destination des vacances estivales : quelle région, voire quel pays ? Bord de mer, campagne ou montagne ? Location ou un échange d’appartement ? Et si on s’essayait au camping ? Aller chez Papi et Mamie en juillet ou chez Bon Papa et Bonne Maman en août ? Autre option : rester chez soi dans sa banlieue d’Ile-de-France pour assister aux JO ? Ou pour buller ? C’est bien aussi de buller, non ? 

Et maintenant que l’heure des vacances a sonné, tes proches s’affairent : l’heure est aux préparatifs pour changer d’air.

Quels que soient leurs lieux et choix de vacances, désormais certains proches n’osent peut-être pas te souhaiter un bon été et d’autres te disent : « Et surtout profite, hein, PROFITE de tes vacances ! »

Tes proches sont partis avec les épuisettes, les casquettes et les baskets. Les photos commencent à affluer sur les réseaux et les groupes WhatsApp.

Tu sens la boule au ventre monter

Tu es nouée ou oppressée. « “Profite”, ils sont marrants les autres ! Je t’en collerai moi, des “profite”… » 

Bien loin des images d’Epinal, l’été de la Fabuleuse aidante pourrait ressembler à un cauchemar. Les problèmes s’accumulent. D’abord, ton réseau de soutien s’effondre. L’aide à domicile ? Partie en vacances. Les professionnels de santé à la présence rassurante ? Partis en vacances. L’IME ? Fermé au mois d’août. Les employés sont partis en vacances. Les proches qui peuvent te relayer ponctuellement ou avec qui tu peux partager un café salutaire ? Pour beaucoup partis en vacances, eux aussi.

En conséquence, avec ton conjoint heureusement lui aussi en vacances — mais quid pour la Fabuleuse aidante solo ? – tu es sur le terrain 24 heures sur 24. Certes, tu as posé officiellement tes semaines de congés d’été… mais c’est pour mieux endosser les tâches et responsabilités : aide à domicile ou garde malade, infirmière, kiné, prof et surveillante de natation, chauffeur, cuisinière, animatrice de colo, etc. Il manque la casquette de la Fabuleuse au repos (avec son épuisette et ses baskets).

Bien loin de diminuer, la charge mentale est à son maximum.

Peut-être as-tu cassé la tirelire pour partir un peu toi aussi. Tu as passé mille appels pour trouver la maison ad hoc, bien équipée dans un coin que tu apprécies, tu as anticipé la question des trajets, tu as cherché en vain puis renoncé (ou pas) à trouver une aide à domicile. Tu as pu ou su t’adapter à de nouveaux lieux et habitudes, mais ton aidé, lui n’a pas supporté ce changement. Il est perdu, déboussolé et donc stressé.

Ce stress t’impacte puisqu’il dort moins bien, mange moins bien, se montre grognon. Il ne supporte pas la chaleur, ne boit pas assez et fait une infection urinaire ou une insolation. Il faut chercher un médecin, une pharmacie. Encore des choses à faire quand toi tu voudrais juste être les doigts de pied en éventail.

Trois jours plus tard, enfin, tu te poses quelques heures sur la plage ou au bord du lac, ton adolescent aidé barbote dans l’eau. Et là, il fait une crise d’épilepsie et manque de se noyer. Tu es bonne pour une grosse frayeur et un départ aux urgences.

Mais surtout : profite, hein !

Autre scénario pour toi (qui peut aussi s’ajouter au précédent) : tu as toi aussi prévu de longue date tes vacances comme celles de tes parents vieillissants et malades dont, avec tes frères et soeurs, tu es l’aidante. Seulement voilà : la santé de ton père comme celle de ta mère s’est encore détériorée et bouleverse tous les plans. Ils ne peuvent plus rester seuls. Les besoins de ton père sont aux antipodes de ceux de ta mère. Et les tiens risquent de passer à la trappe avec ces plans d’été qui tombent à l’eau. Tu ne vois pas de solution de secours et te sens prise à la gorge. Tu te sens coupable d’en vouloir à tes parents de bouleverser ces vacances tant attendues et programmées. Mais surtout profite, hein !

Bien sûr, j’ai un peu forcé le trait. 

Quoique pour certaines, il puisse être assez fidèle. Alors, chère Fabuleuse — tu sais que j’aime à être pragmatique : on fait quoi de notre été de Fabuleuse aidante, pour aller remplir notre réservoir d’énergie et vivre des instants de bonheur ? Respirons un bon coup et cherchons ce qui serait possible.

Je crois qu’il faut se centrer encore et toujours sur ton besoin de Fabuleuse ! 

  • Est-ce envisageable et possible d’envoyer ton aidé dans une colonie de vacances adaptée ? Des associations comme l’APF, À fond la Vie, ou À bras Ouverts organisent ces séjours dont les participants et les animateurs ressortent souvent grandis et sourire aux lèvres. Tu en trouveras un exemple dans le magnifique film Un petit truc en plus d’Artus sur les écrans à l’heure ou j’écris ces lignes.
  • Est-ce envisageable d’envoyer tes autres enfants en camp de vacances ?
  • Est-ce envisageable de partir tous ensemble en famille dans une village répit, un centre médico-social d’accueil temporaire, proposé par exemple par ton département, par l’Association France Alzheimer ou par d’autres associations, de faire financer ce séjour par la MDPH si les finances sont à sec ?
  • As-tu besoin d’une présence à domicile qui pourrait être proposée par l’Association Baluchon France par exemple ou par d’autres associations et entreprises ?
  • As-tu besoin d’être entourée par tes proches et peux-tu alors leur demander de vous inviter tous ensemble ou d’inviter uniquement ton proche aidé ? Ou uniquement toi ? Ou un autre de tes enfants ? Ou de venir se relayer à tour de rôle autour de vous ? Chez toi ou à l’hôpital ?
  • As-tu besoin qu’on te livre des repas, qu’on fasse des courses, ton repassage ou ton jardin ? Pour être au minimum débarrassée de cela.
  • Peux tu changer tes dates de vacances et te dire que tu partiras en septembre lorsque la routine aura repris et que des solutions de prise en charge de ton aidé seront possibles à ce moment-là ?

Rappelle-toi que les émotions naissent le plus souvent de nos pensées. Il y a un lieu où tu pourrais tenter d’aller : celui de ta cabane intérieure, pour réfléchir, prendre du recul, décider.

Chère Fabuleuse,

Face à une situation sur laquelle tu n’as pas de pouvoir, tu as, malgré tout, celui de faire le tour des solutions et de travailler sur ta réaction. En changeant ta pensée, tu pourras moduler ou faire changer ton état émotionnel. Peux-tu décider de voir une conséquence positive de ce scénario “vacances tombées à l’eau” qui semblait cauchemardesque au départ ?

En voici quelques-unes : 

  • Une rencontre avec une association, avec un inconnu, avec un collègue,
  • Le sourire de ton aidé heureux de rester à la maison,
  • La redécouverte de ta ville en plein mois d’août.

Tu pourras aussi, avec une bonne dose d’humour, regarder ce que tu vas t’éviter de casse pied en ne partant pas. Tu pourras faire contre mauvaise fortune bon cœur et chanter alors avec Pierre Perret : « Ne partez pas en vacances »



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Cet article a été écrit par :
Axelle Huber

Coach et thérapeute, Axelle Huber accompagne aujourd’hui les personnes sur des enjeux de connaissance de soi, de compétences émotionnelles et relationnelles,  de développement personnel, et notamment dans des contextes de ruptures de vie comme peuvent l’être l’aidance ou le deuil. Elle donne des conférences et anime des ateliers sur ces sujets.

Elle est l’auteur de Si je ne peux plus marcher je courrai, Mame 2016 et  de Le deuil, une odyssée, mame 2023.

https://axellehuber.fr

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