Parents vieillissants

Le refuge – Semaine 3 – « Ta main dans la mienne »

Rebecca Dernelle-Fischer 30 décembre 2024
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Chère Fabuleuse aidante, 

J’espère que ton coin lecture est devenu un coin agréable, un endroit où tu te sens à l’aise pour écrire ce qui te pèse, ce que tu aimes, ce qui te décourage et ce qui t’encourage. Avant de poursuivre, j’aimerais te parler de ma toute première séance chez une thérapeute spécialisée dans le domaine des traumatismes. Avant la fin de notre rendez-vous, elle m’a dit qu’elle encourageait toujours ses patients à prendre deux chemins en parallèle : ne pas seulement travailler sur le traumatisme, ce qui est brisé, ce qui fait souffrir mais aussi sur ce qui fait du bien, qui donne de l’énergie, qui nourrit la joie de vivre, détend, enrichit. J’ai alors commencé à emprunter ces deux chemins. Et pour ce faire, j’ai passé en revue les photos que j’avais faites les semaines précédant mon rendez-vous. J’y ai découvert mes “glimmers”, mes étincelles de joie dans le quotidien, ce qui me plaît, ce qui me donne envie de sortir mon téléphone pour le photographier. Cette petite phrase de ma thérapeute a peu à peu changé ma vie car j’ai appris à mieux me connaître et à oser faire encore plus et encore plus souvent les choses qui me plaisent, qui me nourrissent et que j’aime.

Dans notre situation d’aidantes, il y a bien des choses qui nous ennuient, nous pèsent, nous attristent, nous révoltent, nous frustrent. Ceci commençant bien souvent par le manque de moyens mis à notre portée, le manque de reconnaissance de la part des autorités. Nous nous faisons aussi souvent du souci sur l’état de santé de la personne aidée, sur les rechutes éventuelles. Nous portons parfois aussi ce rôle d’aidant comme un fardeau, un gros coup de marteau a été donné à notre “vie idéale”, à nos “rêves” et nos projets. Notre identité et notre relation à la personne ont changé et changent encore régulièrement. 

Comme un tremblement de terre, tout a bougé autour et en nous quand nous sommes devenus proches aidants. Mais il n’y a pas que cela — et tu seras peut-être la première à me le rappeler ! Nous découvrons aussi un quotidien rempli de beautés que personne ne peut imaginer s’ils ne le vivent pas. Nous sommes entourés de trésors cachés, de belles rencontres, de bonnes surprises aussi. Nos valeurs changent, nos priorités, nous nous transformons, nous devenons « experts », nous nous renseignons, nous trouvons de nouvelles ressources, nous grandissons avec la tâche et la vie qui nous est donnée

Être aidant, c’est “better-sweet” comme diraient les anglais : aigre-doux. En lisant le livre Burn-out professionnel, parental et de l’aidant de Moïra Mikolajczak, Emmanuelle Zech et Isabelle Roskam, j’ai été profondément touchée par les mots de cet homme dont l’épouse était atteinte d’une maladie neurodégénérative. « Elle m’a un moment appelé ‘papa’. (…) J’ai tenté de comprendre jusqu’au jour où l’idée m’est venue que le mot ‘papa’ ne désignait pas une personne mais une qualité de relation : ‘je suis bien avec toi, comme j’étais avec mon papa, étant petite’. À partir de là, la parole est devenue comme une onde porteuse dont le sens était à chercher au-delà des mots ». 

Chercher au-delà des mots, être présent sans être parfait, aider sans couler, choisir d’être fier de notre rôle d’aidant, accepter nos limites tout comme nous acceptons les limites de la personne aidée, la laisser nous aimer à sa façon, une larme à l’œil et un sourire au bout des lèvres : vivre l’aigre-doux d’être aidant.

Ton coin d’écriture

Cette semaine, je t’invite à prendre en photo ta main et celle de ton aidé. Si possible, main dans la main, sinon simplement les deux mains l’une à côté de l’autre. Utilise cette photo pour inspirer ton coin d’écriture. J’aimerais tant que tu célèbres ces deux mains courageuses, tout ce qu’elles te racontent comme histoire.

Tous les petits gestes que tu poses sont l’artisanat qui tissent nos sociétés, notre humanité. Célèbre-les ! À nouveau, je te donne 7 idées et tu choisis. Laisse les mots se suivre, écris-les, sans faire attention ni à l’orthographe, ni à la logique, ni même au sens. Tu verras, les mots prennent leur propre chemin, parfois ils nous surprennent et nous éclairent, et parfois, ils changent aussi nos vies.

  1. Observe la photo et écrit ce qui te vient à l’esprit, le beau comme le difficile. 
  1. Regarde la main de ton aidé sur la photo et complète la phrase : 

Tes mains sont…

Mes mains sont…

  1. Est-ce que la main de la personne aidée parle de sa vie passée ? 

Quand je regarde tes mains, je me souviens de qui tu étais avant la maladie, avant l’accident, le diagnostic… 

  1. Quand tu regardes ta main, à quoi penses-tu ? Est-ce qu’elle raconte l’histoire de ta vie ? De ce que tu as déjà accompli, de ton énergie passée ? 

Je me souviens… 

  1. Regarde vos mains l’une proche de l’autre, enlacées. On dit « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Qu’accomplissez-vous ensemble qui sinon serait impossible ? Quelle est votre force toute particulière ? 
  1. Regarde vos mains, que vous souhaites-tu pour l’avenir ?

J’aimerais tant… 

  1. Regarde ta main sur la photo et pense à tous ces gestes que tu poses au quotidien, aussi minuscules soient-ils. Recherche la fierté pour tous ces petits gestes, la reconnaissance de pouvoir les poser.

Chères mains, cher corps, j’aimerais te dire merci de… 

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La phrase de la semaine

« Ce qui me fait tenir ? L’amour, le don de soi et l’humour. » — une proche aidante citée sur le site proches aidants Fribourg



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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