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Chère Fabuleuse aidante,
« On ne peut pas être à la fois au four et au moulin. » Ce vieil adage nous rappelle qu’on ne peut pas tout faire en même temps. Chaque chose en son temps, oui … mais quel luxe, me diras-tu ! L’auteur de cette phrase n’était certainement pas proche aidant ! Parce qu’en devenant proche aidant, nous avons dû apprendre à jongler avec plusieurs rôles en même temps. Le quotidien est complexe, trop pour que l’on se permette de ne porter qu’une seule “casquette” à la fois. On est aidante et épouse, ou maman, sœur de la personne qu’on soutient jour après jour, saison après saison, étape par étape. Tout se mélange, les niveaux, les responsabilités, la petite sœur aide sa grande sœur à faire ses lacets. La fille aide sa maman à s’installer dans son lit, l’épouse conduit son partenaire de vie à son rendez-vous chez l’orthophoniste.
Quelque part, nous sommes toujours au four et au moulin. Les niveaux se mélangent et les sentiments aussi. Le temps s’est mis à passer autrement depuis qu’on est devenue aidante. Les paradoxes sont présents partout. La routine est lente, monotone, les gestes posés sont les mêmes, tout cela semble permanent, on se sent englué dans des tâches répétitives qui ne se finissent jamais. Et puis, tout s’accélère, il faut gérer une urgence, prendre des décisions, trouver des solutions, s’adapter, le stress ne nous quitte pas : on vit en alerte ! Et dans cet état d’alerte, notre propre personne, nos rêves, nos buts, nos envies, nos émotions sont bien souvent muselés, filtrés, enfouis sous des couches de culpabilité et de honte de « craquer » parfois, de détester cette situation, de même peut-être espérer que la mort vienne enfin soulager l’agonie de notre aidant et notre souffrance à le voir dans cet état. Nous sommes partagés entre le four et le moulin, entre les émotions, les pensées et les espoirs qui cohabitent et se contredisent.
Il y a une telle ambivalence dans le fait d’être l’aidant d’un proche, mais au fond, il y a tant d’ambivalence dans l’être humain. Nous sommes d’une complexité infinie. Et toutes ces parties complexes qui nous habitent, toutes ces pensées, mêmes les plus extrêmes, ont leur raison d’être. Et si nous osions mettre des mots sur cette ambivalence ?
Brené Brown l’explique si bien dans un épisode de podcast portant sur la maladie et la perte de sa maman, qui a vécu ses dernières années avec Alzheimer et pour laquelle Brené et ses sœurs étaient aidantes. Ce qu’elle dit m’a bouleversée parce qu’elle ose dire les mots qui nous font honte et qui au fond sont bien normaux : « Les aidants se débattent avec le fait qu’un jour ils pensent que c’est un privilège de prendre soin de l’autre personne, de la déshabiller, de la doucher et que d’autres jours, ils la détestent, lui souhaitent une mort proche, qu’ils n’en peuvent plus et que tout dans leur vie se met à craquer. » — Brené Brown
Nous ne sommes ni héros ni gredin, nous sommes juste humains, complexes et donc pétris d’ambivalence, de contradictions, de conflits intérieurs. Nous sommes “au four et au moulin”, constamment, de tout notre être. Chère Fabuleuse, c’est normal que les pensées et sentiments se bousculent… et si tu leur laissais la parole cette semaine ? Ose l’écrire, la décrire, au creux d’une page blanche, dans le secret, dans le non-jugement et la bienveillance. Selon Melanie Greenberg, le voyage d’un aidant est jonché d’émotions contradictoires et les mettre sur papier, dans un journal de bord, nous donne un endroit sécurisé pour ressentir ces émotions et donc d’éviter les conséquences négatives qui découlent lorsque nous enterrons au plus profond de nous toutes ces émotions. Et si nous essayions cela ?
Ton coin d’écriture
Laissons un instant notre ambivalence se poser. Devenons “porte-parole” de tout ce que nous ressentons et sommes. Je te propose 7 thématiques, à toi de choisir celle que tu aimerais aborder. Peut-être aimerais-tu écrire un peu tous les jours et prendre une thématique par jour. C’est ton coin écriture : tu peux écrire autant que tu veux, comme tu le veux et ce que tu veux. L’essentiel ici est de s’exprimer sur les deux facettes de la thématique.
- Mon moment préféré avec mon aidé / le moment que je déteste avec mon aidé.
- Ce qui me manque le plus depuis que je suis aidante / ce qui m’a surpris positivement depuis.
- La pire pensée qui m’est venue / la plus belle pensée qui m’a envahie
- Parfois, j’aimerais…
- Ce que j’ai perdu / ce que j’ai gagné
- Ce que je déteste dans ce rôle d’aidant / ce que j’aime dans ce rôle d’aidant
- Ce qui m’encourage quand je craque / ce qui me fait couler quand tout semblait bien aller
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La phrase de la semaine
« Elle danse sur les chansons qu’elle a en tête, parle au rythme de son cœur et aime des profondeurs de son âme. » — Dean Jackson