Conjoints aidés

Etre ou ne pas être ce couple parental, that is the question ?

Axelle Huber 17 juin 2025
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Axelle Huber

  • Serions-nous égoïstes ?
  • Et s’il nous voit souffrir ?
  • Serai-je capable, seras-tu capable d’être un bon père, une bonne mère ?
  • Va-t-on condamner notre éventuel futur enfant à s’occuper de nous et être un jeune aidant dés son plus jeune âge ?

Lorsque la maladie fait irruption dans le couple, c’est aussi toute la question de la fertilité et de la fécondité qui se joue. Inévitablement le couple en âge de procréer est aussi impacté par cette question : renoncer ou accepter d’avoir un (autre) enfant ?

Sébastien est atteint de Sclérose en plaques depuis ses 30 ans. Aujourd’hui il en a 32. Le jour où sa Fabuleuse lui murmure qu’elle voudrait un enfant avec lui, il s’interroge et l’interroge : est-ce bien raisonnable avec ce corps qui ne répond plus normalement ?

Faut-il oser ? La question de donner la vie, que ce soit une nouvelle fois ou pour la première fois, ne relève pas seulement d’un aspect médical, mais aussi psychologique. 

L’image idéalisée du « bon parent » se heurte à la réalité de la maladie.

Juliette, sourde de naissance, est habitée par une autre peur : et si mon enfant me jugeait et me reprochait plus tard d’être différente ? Pourtant, aujourd’hui, elle sourit face à ses peurs d’antan : c’est ma fille qui traduit pour moi et parle pour moi. Elle ne se prend pas la tête, c’est simple, elle est habituée à cela et m’aime comme je suis.

Cécile et Matthieu, porteurs sains d’une maladie génétique, eux, ont dû affronter le regard et la parole de leurs proches, et particulièrement de leur famille déjà éprouvée par la maladie chez une sœur de Matthieu. Ce regard posé par les proches est parfois le plus dur à recevoir puisque qu’il peut renvoyer aux futurs parents le fait qu’ils seront probablement diminués dans leur rôle. Ils se sentent alors jugés à travers le filtre de la maladie. 

Sébastien et son épouse, mais aussi Juliette, Cécile et Matthieu ont réfléchi, tâtonné, discuté avec moults professionnels de santé, rencontré d’autres couples et d’autres familles. Ils ont fait le choix de donner la vie. « On a compris que nous n’épargnerions probablement pas de la souffrance à notre enfant, mais que nous étions sûrs lui donner beaucoup d’amour » 

Comme eux, rappelons-nous que tout couple peut être accompagné pour obtenir des informations et réponses à des questions concrètes, matérielles, médicales et psychologiques qu’il pourrait se poser. Être éclairé sans pression et sans jugement aidera le couple à répondre, en liberté et à cette décision magistrale – et qui n’appartient qu’à lui seul – du choix ou non d’un enfant en dépit de la maladie ou d’un handicap. Il n’y a pas une bonne et une mauvaise décision, mais une réflexion et une liberté à exercer, et parfois un petit brin de folie pour oser malgré tout.

Lorsque la maladie ou le handicap survient après la naissance des enfants, c’est donc aussi le « couple parental » qui est impacté. Bien des parents craignent alors de devenir un fardeau pour leur enfant. 

 Quand on est parent, on affronte des tonnes de défis. C’est une aventure aussi belle qu’exigeante, et qui n’est jamais écrite à l’avance. 

Comment rester parent, comment trouver toute sa place lorsque l’un des deux est épuisé, affaibli, malade ou handicapé ? Comment lui laisser prendre toute sa place non seulement d’homme ou de femme mais aussi de père ou mère et faire alors œuvre éducative ? 

Il est tellement tentant pour l’aidant de faire à la place de son conjoint atteint et peu à peu, par facilité, ou parce que cela va plus vite. Il faut alors revenir à l’essentiel : accepter, malgré la douleur, faire le deuil de ce qui n’est plus et regarder ce que l’aidé peut sûrement faire encore, à commencer par être, aimer et transmettre. 

Le couple parental s’essaiera aussi à dédramatiser, exercer sa créativité pour innover et mettre en place des stratégies, aller chercher des ressources pour élever sa marmaille.

 Je me souviens comme il était naturel pour nos enfants, d’avoir leur père Léonard (atteint de SLA) en fauteuil roulant. Comme ils se réjouissaient d’être enviés par leurs petits camarades de « faire un tour de manège » lorsque, assis sur les genoux de leur père bien installé dans son fauteuil électrique, Léonard actionnait le joystick pour que l’assise du fauteuil se lève et qu’il tourne sur lui-même. 

Juliette, Cécile, Mathieu et tant d’autres ne sont pourtant pas moins bons parents que les autres. Juste différents. Ils hésitent, avancent, reculent parfois, font trois pas de côté, innovent pour trouver leur place et avancer dans ce marathon. Ils réfléchissent à ce qui fait un parent, un bon parent. Ils prennent du recul et réalisent que leur capacité à aimer et être, être dans l’ici et maintenant, dans la relation à leur enfant, regarder ce qu’ils peuvent faire est décisive. Ils réinventent leur façon d’être père et mère, en se recentrant sur une vulnérabilité assumée et sur ce qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants. Bien sûr que cela se fait parfois dans les larmes et la souffrance. Bien sûr qu’il y a des moments de doute et de douleur. Mais il y a aussi les jours de lumière et de victoires : cette fierté discrète, ces complicités tissés dans le dur.

Être le couple parental touché par la maladie et l’aidance, c’est être autrement fort et fragile, côtoyer, comme tout couple, des splendeurs et des misères. Un couple aimant dont la fécondité ne se réduit pas à la fertilité.

Un couple dont les enfants ont besoin de sentir non pas la perfection mais l’amour vrai.

Un couple qui est mis au monde par son enfant.

Un couple qui avance pas à pas et chante avec Cilou : https://www.youtube.com/watch?v=QFE8A19WBGY



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Cet article a été écrit par :
Axelle Huber

Coach et thérapeute, Axelle Huber accompagne aujourd’hui les personnes sur des enjeux de connaissance de soi, de compétences émotionnelles et relationnelles,  de développement personnel, et notamment dans des contextes de ruptures de vie comme peuvent l’être l’aidance ou le deuil. Elle donne des conférences et anime des ateliers sur ces sujets.

Elle est l’auteur de Si je ne peux plus marcher je courrai, Mame 2016 et  de Le deuil, une odyssée, mame 2023.

https://axellehuber.fr

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