La charge mentale : cette notion est tellement au cœur de notre quotidien d’aidante, n’est-ce pas ?
Lorsqu’on est aidante, je ne saurai dire le nombre de casquettes que nous portons. Dans notre tête, c’est un peu comme si nous étions 25 à discuter et brainstormer, chacun sa casquette.
Et parfois, tout le monde crie très fort. Tout est important, tout est urgent, toutes les charges et leurs casquettes se bousculent pour être le “number one” et notre cerveau se pare alors des allures des plus grands marchés en bourse : ça crie et bouillonne de toutes parts.
Puis, ça part en cacahuète : soit tu exploses sur ton Fabuleux, soit tu te retrouves complètement vidée de ton énergie à te traîner dans la maison.
Le quotidien chez nous est particulièrement intense.
Le réveil de nos poussins se gère entre câlins, biberons, changes, traitements à administrer et mise au fauteuil roulant. Puis la journée continue avec les prises en charge thérapeutiques, les activités extérieures, l’école à la maison, le travail, la gestion du foyer (repas, aspirateur et tout et tout).
Et lorsqu’un grain de sable vient se nicher dans les rouages de notre machine plutôt bien huilée, la charge mentale augmente encore un peu plus.
Nous avons appris, avec mon Fabuleux, à nous organiser au mieux mais surtout à essayer de ne pas tout contrôler au risque de friser le burn-out. Ce n’est pas chose aisée mais je dois admettre que nous y arrivons de mieux en mieux, un petit pas à la fois.
Notre credo ici à la maison est « fais du mieux que tu peux avec le peu que tu as »,
tu sais un peu comme cette formule qu’avait partagée Rebecca Dernelle-Fischer, chez les Fabuleuses au foyer, au sujet de la méthode MOD (si tu ne l’as pas fait, je t’encourage réellement à en prendre connaissance, cette méthode m’a sauvée ma santé mentale bien des fois !)
Lors de l’arrivée de Raphaël, après son entrée au monde par la “porte C” (c’est ainsi que certains appellent la césarienne), j’ai été obligée de rester tranquillement à la maison pour récupérer et j’ai été “contrainte” (oui, oui, je le dis en serrant les dents, moi qui aimais bien tout gérer par moi-même) d’apprendre à déléguer… Force est de constater que non seulement ça a préservé ma santé mentale, mon état physique mais ça a eu également le mérite d’avoir de jolies répercussions sur mon noyau familial.
Il est difficile, lorsqu’on est aidant, d’accepter de l’aide, n’est-ce pas ?
Je ne sais pas pour toi, chère Fabuleuse, mais pour ma part, il m’a fallu, par la force des choses, apprendre à accepter et demander cette aide si nécessaire à mon quotidien.
Ce n’est pas quelque chose de facile à faire, nous ne savons parfois pas nous-mêmes ce dont nous avons besoin, nous n’avons pas envie de “déranger”, dans l’urgence nous avons tellement à gérer que passer ce coup de fil de SOS ne nous effleure même pas l’esprit et je pourrais citer encore et encore de multiples excuses à cela… Mais je pense que tu as compris où je veux en venir 😉
Beaucoup de personnes qui nous entourent aimeraient nous aider mais elles ne savent pas comment proposer et nous, nous n’arrivons ni à demander ni à exprimer nos besoins d’une façon saine… Alors il nous faut poser des petits actes et pas concrets, et n’oublie pas : un petit pas à la fois.
Voici quelques petites choses que j’ai apprises au moment où le fait de demander de l’aide s’est imposé à moi et que je m’efforce désormais d’appliquer dans mon quotidien de maman pas comme les autres. Voici ce que j’ai appris, avec beaucoup d’humilité :
1) Je ne peux pas tout faire toute seule et je peux déléguer…
Quelle claque ! Moi qui suis le capitaine de mon navire, il pourrait donc continuer à avancer sans moi ? Oui, oui… Il me faudrait pour cela penser différemment, réfléchir à une répartition des tâches avec d’autres petites mains qui viendraient me soutenir et m’épauler.
Je sais que pour certains aidants c’est très compliqué car ils me diront qu’ils n’ont aucune ressource, aucune personne de confiance… Alors je vais essayer de partir sur la méthode de l’entonnoir afin de t’aiguiller sur des propositions… La méthode de l’entonnoir, c’est commencer par des solutions générales pour terminer sur des plus précises et pragmatiques.
Tout d’abord, tu peux décortiquer cette énorme charge !
Je ne peux peut-être pas déléguer le navire complet mais je peux déléguer et classer par tâche. Mamie C sera le moussaillon 1 chargé de préparer les repas de la tribu pour la semaine de crise… Mamie J sera le moussaillon 2 chargé de laver les vêtements de la tribu et de les ramener tout frais et sentant bon le propre. Et puis le moussaillon 3 viendra s’occuper du jardin, ainsi mon Fabuleux pourra également se reposer…
Ce petit producteur et la possibilité qu’il m’offre de commander depuis mon écran seront mes meilleurs moussaillons pour les courses avec leur service de livraison à domicile. Cette association du coin, ce service d’aide à la personne, le service d’action sociale de ma commune pourraient éventuellement venir pour une petite pause répit ? Je vais les contacter…
Chère Fabuleuse, tu commences à saisir l’idée ?
La charge est immense… Mais si nous la découpons et en confions une toute petite partie à des personnes à nos côtés, chacun pourra alors en porter un morceau avec nous. « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » : cette célèbre expression prend ici tout son sens. Tu le sais, chère Fabuleuse, notre principal challenge en tant qu’aidant est de tenir sur la durée. Avoir des coéquipiers est donc non négociable dans notre quotidien.
2) J’apprends à ne pas refuser l’aide qu’on me propose.
Je me rappelle cette fois où je n’ai pas osé demander (pour la énième fois) et où nos amis sont arrivés avec des courses toutes fraîches afin de nous éviter un déplacement… ils nous ont même fait le cadeau de les cuisiner, ces courses, pour nous éviter un long passage en cuisine. J’avoue que ça nous a fait un bien fou… Nous étions réellement dans une énorme semaine de crise (hospitalisation, etc).
Je t’encourage à accepter les gestes d’affection de ceux qui t’entourent.
Parfois ces gestes pourraient ne pas te convenir, tu te dis que tu n’aurais pas fait “ainsi”. Quand ces pensées m’assaillent, je me dis : « Brunella, concentre-toi plutôt sur l’intention qui se trouve derrière ce service. Peut-être maladroit, mais certainement tout plein d’amour. »
Je me rappelle que ma “normalité”, mon quotidien, ne sont pas les leurs. Ils leur sont même inconnus.
Notre entourage a aussi besoin d’être guidé sur cette route avec nous. Evidemment, les coups de fils incessants pour prendre de nos nouvelles lorsqu’un de nos loulous est hospitalisé nous rajoutent une pression supplémentaire, mais j’ai compris qu’il fallait que je leur explique, avec beaucoup de bienveillance, comment apprendre à nous aimer à ce moment-là…
Mon Fabuleux me rappelle d’ailleurs souvent que ce n’est pas « parce qu’on ne fait pas comme moi que cela n’est pas correct… »
3) J’apprends à ne pas vouloir tout faire car le prix est trop élevé
Je choisis alors, dans ce cas, de lâcher prise volontairement plutôt que de perdre le contrôle inévitablement…
Inviter mon amie à venir boire un chocolat chaud à la maison, regarder cette pile de vaisselle qui me fait du nez dans l’évier et me dire que je vais bientôt lui rajouter deux tasses sans culpabilité aucune, eh bien c’est aujourd’hui une grande victoire pour moi ! Je me sens bien plus légère, dans ma tête, ce n’est plus le marché boursier, la course à l’échalote…
J’aimerais, chère Fabuleuse, te proposer ceci et j’espère que cela pourra te soulager un petit peu ton quotidien dans des instants de crise : des idées de “panier d’amour” que nous avons distribuées à nos amis et dans lesquelles nous avons clairement formulé nos besoins. En zone rouge, ils savent donc quoi faire et comment le faire. C’est dingue comme je me sens aimée, ressourcée par ce petit détail si insignifiant.
Quant à eux, ils s’impliquent sincèrement et sont ainsi un réel soutien à nos côtés, chacun à leur manière.
Ces idées, nous les avons également partagées à de multiples aidants dans le cadre de nos sessions d’accompagnement en tant que professionnels et les retours au sujet de cette petite goutte d’eau dans leur quotidien nous ont remplis de joie !
À toi, chère Fabuleuse, de l’agrémenter avec les propres besoins de ta petite troupe !
C’est avec les petits ruisseaux que se font les grandes rivières et être rafraîchis dans ce genre de moments fait un bien fou à nos cœurs d’aidants, n’est-ce pas ?