Chère Fabuleuse.
Tu as peut-être déjà entendu ces phrases :
« Ton mari est pris en charge le mardi après-midi, tu vas pouvoir te reposer ! »
« Ton fils part une journée chez ses grands-parents, tu vas pouvoir te reposer ! »
« Une infirmière passera tous les matins pour ton père, tu vas pouvoir te reposer ! »
Pour moi, le soulagement de me libérer du temps côtoie parfois l’angoisse de ne pas savoir utiliser ce temps pour en tirer bénéfice.
Certes, si mon aidé est pris en charge par quelqu’un de confiance, j’ai du temps pour moi.
Du temps que je peux choisir de consacrer au « repos ».
J’aspire à être dégagée de ces obligations que je trouve pesantes : rendez-vous, soins, écoute, surveillance, plannings, soucis… Je sais que c’est l’occasion pour moi de me ressourcer, de penser à moi, de faire quelque chose que j’aime.
Ce sera peut-être une sorte de vide au début car j’ai tellement l’habitude de vivre pour mon aidé, ma vie prend tellement tout son sens autour de lui que quand il n’est plus là je ne sais plus très bien qui je suis.
Je crains aussi au fond de moi de ne pas réussir à me reposer.
Je crains de « rater » mon repos, qu’il ne porte pas de fruit.
Je crains de vivre ce moment offert comme un échec : « Tu es encore fatiguée, pourtant tu as eu du temps pour toi la semaine dernière ! »
Face à ces aspirations et à ces peurs, je te propose quelques réflexions.
Ce temps, tu décides de te le donner.
Tu n’as peut-être pas l’habitude de prendre soin de toi. Tu ne sais peut-être même pas ce que tu peux faire car il y a bien longtemps que tu n’as pas entrepris une activité pour toi. On ne t’a peut-être jamais appris à t’interroger sur ce dont tu as besoin.
Pourtant, ton corps te rappelle sa fatigue en t’envoyant des signaux.
Je t’inviterais donc à te poser cette première question : « Qu’est-ce que j’attends de ce temps dégagé pour moi ? »
Ce ne sera sans doute pas magique.
Tu ne retrouveras pas d’un coup l’allant de tes 15 ans, l’insouciance de quand tu n’étais pas aidante.
Ce sera cependant un temps où tu vas permettre à ton corps de s‘extraire de ce quotidien trop lourd pour lui et à ton cerveau de se déconnecter des préoccupations.
Je te parlais de ma peur de ne pas “réussir” à me reposer. Si tu définis tes attentes de façon réaliste et mesurée, tu pourras vivre ce moment sans te mettre la pression de “réussir”.
Le plus grand repos pour notre cerveau est de vivre l’instant présent,
juste la conscience de ce que tu fais. Ce n’est pas une grande évasion sous des cieux ensoleillés. C’est simplement une façon de vivre en faisant le focus sur autre chose.
Pour te reposer, tu peux juste avoir l’ambition de vivre ta vie normale au ralenti, sans empressement, de te promener à ton rythme, de flâner au marché ou de t’arrêter boire un verre en rentrant du travail. Tu vas décélérer. Sans pression, en savourant le moment pour ce qu’il est, en étant satisfaite de le vivre.
Tu peux aussi décider de te lancer dans une activité que tu rêves de faire depuis toujours sans jamais oser : le chant lyrique, l’escalade en salle ou apprendre à de nouvelles façons de te maquiller.
Il y a aussi peut-être des personnes de ton entourage qui par leur présence, par leur familiarité, sont ressourçantes pour toi. Ce peut être une amie, une sœur, une cousine.
Vous riez aux mêmes blagues, vous avez les mêmes souvenirs, les mêmes racines, vous partagez aussi peut-être le même style de vie.
Je t’invite à ne pas te juger dans ces aspirations :
Le summum du repos pour moi est de lire un livre sympa en sentant le soleil sur ma peau ou de papoter avec ma sœur. Pour d’autres, ce sera un spa ou une exposition de peinture. Chacun son truc.
Si tu as du mal à le faire pour toi, si tu vis ça comme un égoïsme ou une perte de temps, je t’invite à te rappeler que ton aidé sera le second bénéficiaire (après toi) de ton état plus serein et reposé.
Si tu ne veux pas le faire pour toi, fais-le pour lui.
Tu peux aussi te poser une autre question : « Comment entrer dans le repos ? »
Tu es peut-être remplie d’agitation, de peur, de fatigue. Tout cela t’habite et t’empêche de rentrer dans ce temps “off”. Je t’invite à laisser “décanter” quelques instants toutes ces émotions, tous ces troubles qui t’envahissent.
Tu vois sans doute ce qu’est un verre de sirop de grenadine. Il est tout rose. Les particules de sirop sont mêlées à l’eau. Si tu laisses reposer le verre, tu vas voir petit à petit le rouge descendre au fond et l’eau s’éclaircir. Tu es sans doute comme ce verre : pour y voir clair, tu as besoin de ce petit temps pour laisser descendre la pression, pour permettre à l’eau d’apparaître. Cette eau claire c’est toi, la femme que tu es et qui a envie que tu sois sa meilleure amie. Le rouge c’est ce que tu as besoin de laisser de côté pour souffler.
Pour t’extraire d’une activité et rentrer dans une autre, il faut parfois du temps, une sorte de sas. En effet, changer c’est aussi s’adapter à une nouveauté.
S’adapter demande parfois de l’énergie.
Tu es actuellement dans un rythme où ton corps et ton cerveau sont sans cesse sollicités. Tu passes dans un rythme que tu as à inventer, à faire tien et que tu souhaites sans doute plus calme. Ce n’est pas toujours simple. Préparer ce temps peut donc être nécessaire.
Chère Fabuleuse,
À travers ces mots, j’ai voulu t’accompagner dans ta démarche pour te reposer.
Ce moment pour toi, pour moi, je le vois comme un petit pas de côté dans notre vie remplie d’activités ou de soucis.
Un petit pas qui me permettra d’y retourner ensuite, fortifiée par l’assurance que je peux m’extraire quelques minutes ou quelques heures, voire quelques jours de ce quotidien bien lourd. Un peu comme un nageur qui sort la tête de l’eau pour reprendre de l’air puis replonger.
Peut-être connais-tu toi aussi cette appréhension face aux moments de “vacances” et de plus de liberté. Tu peux nous partager la façon dont tu les vis, les anticipes. N’hésite pas aussi à partager sur le Salon tes meilleures expériences en la matière.
