Comme certaines Fabuleuses Aidantes, tu es peut-être aidante de ton conjoint atteint d’un symptôme dépressif ou anxieux sévère. Tu t’interroges sur les conséquences de cette maladie pour tes enfants. Tes enfants aiment leur père et cet amour d’un papa vulnérable les rend vulnérables à leur tour.
Celui qui devait être pour toi un coéquipier n’est plus disponible pour te soutenir et élaborer des projets communs. Tu es le moteur de la vie de famille tout en soutenant ton mari. Tu essayes de lui laisser sa place de père dans les limites de sa maladie. Tu ne veux pas l’infantiliser.
Il est là, sa présence est même parfois pesante.
En même temps, il est absent pour son entourage. Tu te sens peut-être aussi impuissante devant le fossé qui se creuse entre ton désir de faire aimer la vie aux tiens et la réalité que véhicule ton conjoint.
Tu te poses sans doute ces questions :
- Comment faire pour expliquer à un enfant ou un adolescent que papa est encore en pyjama à midi, qu’il reste prostré dans un fauteuil le regard dans le vide, qu’il ne répond pas à ses questions ou ses demandes de câlin, qu’il ne donne pas l’impression de s’intéresser à sa vie ?
- Comment apporter la sécurité nécessaire à un enfant alors que les conséquences de la maladie de son père sont insécurisantes pour la famille ?
- Quelles seront les conséquences sur sa construction et sa future vie d’adulte ?
- De quoi a-t-il besoin pour vivre cette situation qui s’impose à tous ?
Chère Fabuleuse, je voudrais tout d’abord te féliciter
Tu es actuellement seule à tenir le gouvernail de la famille. Cela te demande beaucoup de force, de patience, de confiance et d’énergie. Tu fais peut-être ton possible pour être à l’écoute des angoisses ou des tourments qui sont la réalité de ton conjoint tout en restant bien ancrée dans ce que te demande ton travail et le quotidien de la maison.
Tu es aussi là pour ton enfant et tu l’aimes.
Ton enfant a tout d’abord besoin de mettre des mots sur ce qui se passe dans la maison. Il sent quand quelque chose ne va pas et très souvent le premier réflexe et la pensée qu’il va entretenir seront que c’est sa faute, qu’il est sans doute coupable de quelque chose. Il a donc besoin d’être informé et rassuré par des mots adaptés à son âge.
Je connais une famille dans laquelle un parent traverse une dépression sévère. Ils font régulièrement des “conseils de famille” où les choses sont dites et où chacun peut s’exprimer sur la façon dont il vit ces annonces et la situation. Celui qui parle tient le “bâton de la parole” (qui peut-être une cuillère, un objet quelconque, peu importe) et doit dire « je » pour parler de lui et non « tu » pour ne pas accuser l’autre. Une des filles me témoignait combien ces conseils étaient sains pour chacun.
L’enfant doit savoir que si son père manifeste de la tristesse et du désintérêt pour ce qu’il lui raconte, c’est à cause de la maladie, pas de ce que son père ressent pour lui. Quelque chose ne fonctionne pas dans le corps de son parent (le système hormonal et les neurotransmetteurs).
Tu le sais bien, toi qui es sa compagne :
Malgré toute l’affection et l’attention que tu lui portes, la maladie persiste. Seul un professionnel de la santé mentale lui permettra de guérir. L’enfant peut continuer à lui apporter du soutien et de l’affection mais le médecin est là pour prendre en charge son papa.
Ton enfant peut aussi s’interdire de vivre des joies. Son père ne va pas bien : il n’ose s’autoriser à aller bien, à rire ou être insouciant. Il a besoin d’entendre que choisir la tristesse n’aidera pas son papa à aller mieux.
Notre enfant a aussi besoin de savoir que des adultes de confiance connaissent sa situation et exercent à son égard un regard de bienveillance. Ce peut-être le professeur principal, le professeur de sport (il a un regard autre sur l’enfant : il le voit en interaction avec les autres), le responsable d’une activité, le médecin de famille ou de l’établissement scolaire, un oncle ou une tante, un grand-parent ou des amis de la famille… L’enfant sait qu’il peut leur parler et que ni son père ni lui ne seront jugés.
Il n’a pas à avoir honte de cette situation.
Son père ne manque pas de courage ou de dignité. Sa maladie touche les ressorts de sa volonté et de sa présence à la vie. Il est même courageux de traverser cette période si éprouvante.
Tout adolescent passe souvent par une période d’identification à son parent. Le lien avec d’autres adultes lui permet de trouver un repère auquel s’accrocher pour se construire.
La fréquentation régulière d’un thérapeute sera un grand soutien pour ton enfant (et pour toi aussi). Il pourra déposer ce qu’il porte sans se sentir jugé. Les enfants ne veulent pas charger leur parent de leur peine : ils sentent que ce serait trop lourd pour eux qui porte déjà tant.
Avec un professionnel, c’est différent.
Celui-ci pourra amener l’enfant ou l’adolescent à accepter la réalité de la maladie ainsi que son impuissance à guérir son père. Il va apprendre à comprendre et éloigner les sentiments punitifs qui peuvent l’envahir et le freiner dans son élan de vie plus tard. Il peut lui donner des outils concrets pour accroître sa confiance en soi et traverser ses émotions. C’est une aide précieuse pour que l’enfant bâtisse sa vie sur des bases saines.
Une autre personne importante est le médecin de famille. Il peut faire le lien entre certaines pathologies de l’enfant et son milieu de vie.
Ton enfant a peut-être aussi une passion, une activité qu’il affectionne particulièrement et qui le valorise. Je pense ici au chant, à la pratique d’un instrument, au dessin, au modelage, au théâtre… La pratique de ces activités est aussi bénéfique pour la confiance en soi de l’enfant. Elle lui offre la possibilité de laisser s’exprimer ses émotions et d’évoluer dans un cadre qu’il aime et où il peut être lui-même. Je pense à une jeune pour qui les cours de peinture étaient une véritable bouffée d’oxygène et de satisfaction dans un quotidien familial très lourd.
La pratique régulière d’un sport permet à l’énergie et parfois la colère de ton enfant de se déployer en tapant, courant, ramant, pédalant ou nageant… Il expérimente ce que son corps est capable de faire pour atteindre un objectif et se surpasser. Il fait par la même occasion le plein de dopamine et d’endorphine.
Si tu as chez toi un animal de compagnie, sa présence a un effet anxiolytique. Elle permet de diminuer le stress de ton enfant dans les situations difficiles. Cet animal peut devenir très important pour lui : un confident parfois et celui qui ne le jugera jamais. La force du lien et la qualité de la relation avec ce dernier peuvent marquer bénéfiquement l’enfant pour la vie.
Pour conclure, j’ajouterais que tu es la personne centrale de la vie de ton enfant. Tu le sais et tu mesures combien ce peut être lourd certains jours.
Un simple « Et toi, comment vas-tu ? » demandé avec le cœur à ton enfant en le regardant dans les yeux lui rappelle combien ce qu’il ressent est important. Il fait l’expérience de ta disponibilité et s’autorise à écouter sainement ses émotions.
Tes réserves d’affection et d’énergie ne sont pas infinies.
Tu en fais souvent l’expérience. Peut-être aimerais-tu trouver une épaule réconfortante pour partager le poids de ta peine ou ta fatigue ? Ton aidé est aussi ton compagnon de vie, celui qui t’apportait cette tendresse et peut-être même cette sécurité nécessaire à ton existence. Aujourd’hui, il n’a ni la présence ni l’énergie pour cela. Il est entièrement accaparé par ses tourments intérieurs et vidé de son énergie.
Je t’invite à saisir tout ce qui te fait du bien et nourrit la vie en toi : un câlin d’un enfant, le hug d’une amie, l’accolade prolongée d’une autre. Ces gestes te reconnectent à toi et aux autres.
Ce peuvent être aussi des moments paisibles où tu es juste présente à ta respiration, à un beau lever de soleil, l’odeur agréable de la lessive de ton pull, une musique aimée et qui te fait du bien. Tu choisis alors pendant quelques secondes (ou minutes !) de mettre de côté ta do-do-list ou tes inquiétudes et de donner toute la place à ces sensations en toi.
N’oublie pas aussi que les programmes de notre plateforme sont à ta disposition, et plus spécifiquement “Je deviens mon alliée intérieure” dans lequel Anna te guide pas à pas pour développer une attitude plus douce envers toi-même. Tu as aussi peut-être une activité qui t’est chère (lecture, sport, couture, jardinage…) et qui te ressource.
Ta vie, tout comme celle de tes enfants, a besoin de moments de joie.
Chez les Fabuleuses Aidante, si nous insistons autant sur le « prendre soin de toi », c’est aussi pour te rappeler que par ce biais tu peux avoir accès à des joies, leur faire de la place dans ta vie et ainsi dans celle des tiens. Ces joies te procurent de l’énergie.
Ce n’est pas parce que ton Fabuleux actuellement ne peut pas rentrer dans cette joie qu’elle est interdite à l’ensemble de la famille.
- Rire ensemble fait du bien.
- Regarder ensemble un film drôle ou aller voir un spectacle est bon pour la santé.
- Aller avec les enfants ou des amis faire une partie de laser-game puis manger une gaufre peut donner de l’énergie pour un trimestre !
- Chanter à tue-tête dans la voiture revigore et redonne le sourire.
- Danser dans la cuisine pendant que les nouilles cuisent fait un bien fou pour démarrer la journée.
- Acheter le dessert préféré de ton enfant sans raison apparente lui réchauffe le cœur.
- Repeindre les murs un peu ternes du salon pour donner du peps à la pièce confère aussi du peps à ta vie.
- Se dire « je t’aime » et se serrer longuement dans les bras rechargent nos batteries affectives et physiques.
- Accepter de quitter les soucis pour s’extasier “en vrai” devant le tour de magie de ta fille de 7 ans est un super cadeau à lui faire et à te faire.
Tout ceci constitue pour tes enfants de bons moments de vie saine. Ils se rappelleront qu’il est bon de prendre soin de soi et surtout que nous sommes faits pour la vie.
Tu as aussi le droit de crier que c’est dur,
que tu en as marre et que tu voudrais revenir en arrière quand vous étiez si complices et insouciants ton homme et toi.
Ce que je veux surtout te rappeler, c’est que tu peux te dire et dire à tes enfants : « On va y arriver. » La vie est parfois bien dure. Elle est aussi belle. Elle est comme le soleil : toujours présent même derrière les nuages aussi noirs soient-ils. Le nuage prend parfois trop de place, trop longtemps. Il est parfois d’une noirceur que tu n’aurais même pas imaginée.
Mais la vie t’attend…et surtout : « Tu n’es pas seule. »
Chère Fabuleuse, que peux-tu mettre en place aujourd’hui pour laisser entrer un peu de joie dans ta famille ? Réponds-nous par mail ou sur le Salon pour donner des idées à d’autres Fabuleuses aidantes !