Persa Ory
Enfants extraordinaires

Persa Ory « Accepter de l’aide a été un vrai défi pour moi. »

Marina Al Rubaee 21 octobre 2024
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Persa Ory, aidante et paire-formatrice pour l’action RePairs Aidants, partage aux Fabuleuses en quoi cet engagement a contribué à sa propre reconstruction personnelle et professionnelle.

Persa, de qui es-tu l’aidante ?

Je suis maman de trois enfants : mon aîné a 25 ans, mon cadet Orphéas a 21 ans et il est polyhandicapé, et mon plus jeune a 14 ans. La vie a basculé trois jours après la naissance d’Orphéas, lorsqu’il est devenu épileptique dû à une maladie rare et qui l’a rendu polyhandicapé. Ce fut un véritable choc pour moi, et du jour au lendemain, je suis devenue son aidante principale. J’ai dû faire un choix difficile : renoncer à mon travail pour me consacrer entièrement à ses besoins et lui apporter le soutien nécessaire. Nous vivons dans un petit village de 5 000 habitants, près d’Aix-en-Provence. Mon mari est originaire de Lorraine et je suis Grecque. Éloignés de nos familles respectives, nous avons dû apprendre à tout gérer seuls, sans aide extérieure.

Tu as aussi dû t’occuper de ta propre santé, peux-tu nous en dire plus ?

Oui, c’est vrai. Des années plus tard, quand mon fils a enfin obtenu une place en établissement à temps partiel, j’ai sombré dans une dépression chronique qui m’a empêchée de me projeter professionnellement. Je me sentais constamment épuisée, peinant à gérer le quotidien, et j’avais perdu toute estime de moi-même. Vivre ces épisodes dépressifs sans solution était devenu insupportable, je me sentais bloquée, incapable d’avancer. Naturellement curieuse, j’avais l’habitude de chercher des réponses sur internet, de poser des questions aux médecins, surtout pour mon fils. Cette fois-ci, cependant, j’ai orienté mes recherches vers moi-même. Après des années de tâtonnements médicaux et de traitements antidépresseurs, le diagnostic est enfin tombé : j’étais bipolaire.

Ce diagnostic a été un véritable soulagement, car il m’a permis de comprendre ce que je traversais. Malgré tout, il m’a fallu 8 ans pour me reconstruire après ce diagnostic. Durant cette période, mon psychiatre m’a encouragée à mieux comprendre ma maladie et à explorer toutes les ressources qui pouvaient m’aider. C’est ainsi que j’ai découvert une formation pour devenir « patiente experte ». Ce programme m’a donné l’opportunité de transformer mon parcours personnel en une force pour aider d’autres personnes dans des situations similaires. J’y ai appris à partager mes connaissances sur le trouble bipolaire, mon expérience personnelle, les traitements, et les droits des patients. Mon objectif était d’aider les autres à devenir acteurs de leur parcours de soins, tout comme je l’ai fait pour moi.

Peux-tu nous parler du réseau RePairs Aidants proposé par l’APF France Handicap ?

Pour ne plus me sentir seule en tant qu’aidante, j’ai rejoint l’association APF France Handicap. C’est là que j’ai découvert le Groupe National des Parents de l’APF qui publie un bulletin mentionnant le réseau RePairs Aidants. Ce réseau propose diverses actions de soutien pour les proches accompagnant une personne en situation de handicap : parents, enfants, conjoints, frères, sœurs, etc. J’ai été particulièrement intéressée par les actions de sensibilisation et de formation proposées gratuitement par le réseau, en présentiel et à distance, accessibles à tous les aidants. Mon objectif était d’apprendre à mieux accompagner mon fils.

Des modules permettent ainsi de se pencher sur un thème précis et de partager ses expériences. Ils sont animés par un duo composé d’un « pro-formateur » — un professionnel spécialisé dans le sujet abordé — et d’un « pair-formateur », un aidant familial formé à la co-animation. On y aborde des thèmes variés comme les droits des aidants, les aides, les outils pour la communication alternative, la manutention, la coopération entre aidants et professionnels … Des webconférences d’1h30 sont également proposées pour traiter des aspects juridiques et sociaux actuels. En complément, des ateliers de soutien, d’accompagnement et de bien-être sont organisés pour apprendre à se détendre, à prendre soin de soi et à s’accorder du temps, essentiel pour maintenir son équilibre sur le long terme.

Quels sont les bénéfices de participer à cette formation ?

En partageant nos expériences, on crée un vrai espace d’écoute et de confiance. Après ma formation, j’ai eu la chance de devenir même-moi « pair-formatrice ». Cela m’a permis de me rémunérer après 19 ans d’inactivité et de transmettre mon expérience à d’autres aidants. Je ne partage pas que des connaissances techniques ; j’apporte aussi mon vécu et mon empathie, ce qui incite chacun à s’exprimer sur ses difficultés. Quand d’autres aidants témoignent, ça libère la parole et enrichit les échanges. Les retours montrent que cette formation a renforcé leur confiance en elles et les a aidées à sortir de leur isolement social.

Quels enseignements as-tu tirés de cette démarche ?

C’est très gratifiant de recevoir les remerciements des participants pour la qualité de la formation. Cela m’a permis de retrouver une estime de moi que j’avais perdue durant mes épisodes de dépression. Avant, j’étais souvent angoissée, doutant de mes capacités, notamment en tant qu’aidante pour mon fils. Mais cette expérience a redonné un véritable sens à mon parcours. L’année dernière, j’ai entrepris un Diplôme Inter-universitaire « Accompagnement et droits des aidants » à la faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence. Cependant, je n’ai pas pu finaliser mon mémoire, nécessaire pour valider le diplôme, car mon fils est tombé malade en juillet 2024, alors que la date de rendu était prévue pour le mois d’août. Je vais prendre un peu de temps et voir avec l’université s’il est possible de le rendre plus tard. J’ai pu me rendre compte de la maturité avec laquelle j’ai réagi à cet événement qui dans d’autres conditions aurait pu être à l’origine d’une rechute dépressive. J’ai constaté que je suis véritablement guérie.

Quels conseils donnerais-tu aux Fabuleuses ?  

Accepter de l’aide a été un vrai défi pour moi. J’étais persuadée que je pouvais tout gérer seule à la maison, mais ce n’était pas vrai ! Je ne peux que vous encourager à sortir de l’isolement et à chercher toutes les ressources possibles pour vous. Il est essentiel de savoir demander de l’aide sans culpabilité, même si ça peut être difficile. Chacune avance à son rythme dans son rôle d’aidante, et il est important de prendre les choses progressivement.

Quels sont tes projets ?

J’aspire à créer un habitat partagé et inclusif, un espace où les aidantes, souvent solos, et leurs enfants pourront cohabiter, se reposer et échanger, tout en bénéficiant d’un soutien continu. Dans cet environnement, des professionnels s’occuperaient des enfants, permettant aux aidantes d’intervenir si nécessaire, ce qui apporte une tranquillité d’esprit à tous. Un rêve ambitieux, que j’ai bien l’intention de concrétiser !



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Cet article a été écrit par :
Marina Al Rubaee

Marina est aidante depuis toujours de ses deux parents atteints de surdité. Aujourd’hui, elle est journaliste et auteure. Elle est à l’origine de Porte Voix, une association qui vise à sensibiliser les entreprises aux problématiques des salariés aidants familiaux. Elle est l’auteure du guide Les aidants familiaux pour les nuls, aux éditions First. 

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