Enfants extraordinaires

Oser la vulnérabilité

Laure Japiot-Gouesse 30 mai 2022
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Les temps durs du Covid étant derrière nous (pour l’instant du moins), voici que les fêtes de famille, les kermesses d’école et autres joyeux rassemblements peuvent à nouveau se tenir. Ô joie, ô bonheur suprême !!! Euh… vraiment ? Sommes-nous toutes tellement heureuses de retrouver ces événements collectifs d’échanges rapprochés ? De voir nos proches aidés, avec toutes leurs particularités, à nouveau sous les feux des projecteurs ?

Pour ma part, je reconnais me sentir étrangement mitigée face à ce renouveau de convivialité.

Bien sûr, après en avoir été privée si longtemps, je me réjouis de pouvoir serrer mes parents et mes amis dans les bras, de trinquer avec mes voisins autour d’un barbecue et d’avoir le droit de me déplacer au-delà d’un kilomètre pour aller rendre visite à des cousins à l’autre bout du département – voire de la France ! Mais au fond de moi, une sourde appréhension a refait surface.

Celle de devoir soutenir les regards des « autres » face à nos différences.

Car il faut bien l’admettre, les confinements nous ont parfois rendu service : rester dans le cercle restreint de sa famille proche, c’est peut-être un peu répétitif, mais on se connaît tellement par cœur qu’il n’y a rien à cacher. Les sautes d’humeur de l’un, les crises de colère de l’autre, ne portaient pas vraiment à conséquence. Pas de risque d’être en retard quelque part, pas de regard de travers d’une grand-mère, pas de discussion houleuse sur nos méthodes éducatives… 

Aujourd’hui, la vie reprend et il nous faut réapprendre à vivre en société, au risque de constater à nouveau combien nos proches – et parfois nous-mêmes – ne rentrons pas dans le moule. Alors qu’en penser ? Sommes-nous victimes de ce fameux « syndrome de la cabane » (aussi appelé syndrome de l’escargot) dont on a tant parlé lors du déconfinement ? Ou est-ce plus simplement notre éternelle peur du jugement qui s’est intensifiée après cet improbable répit ?

Une fois de plus, je suis allée chercher des pistes de réponse auprès de Brené Brown, cette chercheuse américaine en sciences humaines et sociales qui s’est spécialisée dans l’étude de la honte et de la vulnérabilité. Voici ce qu’elle énonce dans son ouvrage phare Le Pouvoir de la vulnérabilité , cité par Hélène Bonhomme :

« Lorsque nous cessons de nous soucier de ce que les gens pensent, nous perdons notre capacité de connexion. Lorsque nous devenons définis par ce que les gens pensent, nous perdons notre volonté d’être vulnérable. »

Elle pointe ainsi du doigt cette difficulté que nous avons tous à placer notre curseur, entre le risque de trop s’isoler et celui de se laisser ravager par le jugement des autres.

En effet, tu le sais comme moi, chère Fabuleuse :

malgré le soulagement à court terme, ce n’est pas tenable de se tenir hors du monde. On s’assèche et on dépérit. Oui, nous avons tous besoin d’échange, aussi confrontant et inconfortable qu’il soit parfois. Pour autant, pas question de nous laisser déstabiliser par le premier venu : d’accord pour la critique, à condition qu’elle soit constructive !

La solution que propose Brené Brown, c’est de savoir distinguer, parmi les gens qui donnent leur avis, ceux dont l’opinion compte vraiment pour nous : « Si vous n’êtes pas avec moi dans l’arène, votre avis ne m’intéresse pas. »

Autrement dit, en ce qui nous concerne, si la personne en face de toi ne sait pas ce que signifie être « aidant », ce qu’est le handicap visible ou invisible, si elle n’est même pas capable d’imaginer tes batailles quotidiennes (contre l’administration/l’école/le manque de sommeil…), si elle se contente de critiquer ce qu’elle voit sans chercher à comprendre, alors son avis ne doit pas t’intéresser.

L’exercice que te propose Brené Brown, c’est de découper dans une feuille de papier un petit carré de 2,5 centimètres de côté, et de noter dessus la liste des gens dont l’avis t’importe vraiment, ceux dont tu veux vraiment écouter le feedback. « C’est un tout petit espace, mais il est sacré », poursuit Brené Brown, en précisant : 

« s’il n’y a pas assez d’espace pour tous ceux que vous voulez y mettre, revoyez vos critères. Les gens importants vous aiment non en dépit de vos défauts et de votre vulnérabilité, mais à cause d’eux.

Ce sont ceux qui, quand vous êtes face contre terre, vous relèvent, vous époussettent, vous confirment que vous ne méritiez pas de tomber et vous rappellent que vous êtes brave. Ce sont eux qui seront là la prochaine fois que vous chuterez. Incluez aussi ceux qui ont le courage de vous dire “je ne suis pas d’accord” ou “je pense que tu as tort” et qui vous questionnent s’ils vous voient agir en désaccord avec vos valeurs. »

Alors, chère Fabuleuse, prête à relever le défi ?

Oui, tenir tête au regard des autres est parfois difficile. Mais ce risque ne doit pas te priver de tout le soutien que ceux qui t’aiment ont à t’offrir ! Toi seule sais ceux qui sont dans l’arène avec toi : garde-leur une place dans ton cœur ☺



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Cet article a été écrit par :
Laure Japiot-Gouesse

Laure est psychologue, ex-journaliste et maman de trois garçons, dont l'aîné est « atypique » (haut potentiel et hypersensible). Elle est rédactrice pour les Fabuleuses aidantes.

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