Marianne Petrieux
Enfants extraordinaires

Marianne Petrieux : « Je ne voulais pas que la maladie dicte ma vie »

Claire Guigou 1 août 2022
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Du jour au lendemain, Marianne se retrouve aidante de son fils de 8 ans. Alors que la maladie de son fils la fait progressivement vaciller, elle fait la découverte de la Programmation Neuro-Linguistique. Une méthode de coaching qui va radicalement changer sa vie.  

Bonjour Marianne, qui êtes-vous ? 

J’ai 39 ans. Je suis maman de deux enfants, Nathan, onze ans, et Louane, 8 ans. Je suis mariée et j’habite à Amiens en Picardie. 

Votre fils Nathan est atteint d’une maladie rare. Quelle est cette maladie ?

Nathan a une adrénoleucodystrophie, une maladie dégénérative caractérisée par un dysfonctionnement endocrinien et sans espoir de guérison. Il a été diagnostiqué le 1er août 2019. Mon fils a perdu toutes ses capacités en l’espace d’un an. Il a progressivement arrêté de parler. Tenir un crayon est aujourd’hui compliqué pour lui. En mai 2020, il a perdu la marche et toute mobilité. 

Comment avez-vous découvert cette pathologie ?

Cela a été un long chemin de croix. Pendant les six mois qui ont précédé le diagnostic de la maladie, je trouvais que le comportement de mon enfant avait changé. J’en parlais à mon mari, à mes amis qui me disaient que je me stressais trop. Pendant un temps, j’ai couru les orthophonistes, les psychomotriciens et les spécialistes en tout genre. J’ai même fait faire à Nathan un test de QI qui m’a révélé qu’il était déficient intellectuel.

Durant cette période, j’ai accusé les coups avant le coup fatal, en août 2019. Nous étions en vacances et je voyais que Nathan perdait progressivement la mémoire. Il oubliait le nom des personnes de notre famille comme son parrain ou mon frère. Il avait alors 8 ans. Un jour, il a été pris de grosses migraines et de vomissements. Nous nous sommes arrêtés sur une aire d’autoroute pour appeler les urgences. Ils nous ont rapatriés à l’hôpital de campagne le plus proche et lui ont fait passer un scanner. Ce dernier a montré que Nathan avait des traces blanches sur son cerveau. Les médecins ont pensé à une méningite mais ce n’était finalement pas cela. Le lendemain, nous l’avons emmené à Amiens faire une IRM. C’est alors que le diagnostic est tombé : c’était une leuchodystrophie. Nous ne savions pas quel type de leuchodystrophie mais nous étions fixés.  

Quel impact la maladie a-t-elle eu sur votre quotidien ? Avez-vous continué à travailler ? 

Je me suis arrêtée assez vite, mais pas tout de suite. Au début, le travail était salutaire pour moi, c’était un peu comme une fuite en avant. Alors que mon mari pleurait beaucoup, j’avais besoin de rester dans l’action pour ne pas penser. Puis l’expérience du confinement m’a finalement amenée à m’arrêter en septembre 2020. Cela devenait de plus en plus difficile pour ma mère, alors aidante de Nathan, de s’occuper de lui car il était devenu incontinent. L’un de nous devait s’arrêter de travailler pour s’occuper de lui. J’ai choisi que ce soit moi et non mon mari. Je ne l’ai pas perçu comme une obligation mais comme un choix. Je voulais profiter du temps qu’il me restait avec Nathan. 

Comment avez-vous vécu ce changement ?

Cela m’a libérée émotionnellement, car je refoulais beaucoup de choses sur la maladie de Nathan. Et en même temps, cela m’a gommée. C’est comme si j’avais disparu, comme si je m’étais effacée pour devenir non plus maman mais aidante, infirmière, kinésithérapeute…et tous ces rôles à la fois. Quand on devient aidant du jour au lendemain, c’est très curieux.

Pour notre part, nous avons vécu 8 ans avec un enfant dit “normal”. Et du jour au lendemain, notre vie a basculé. Cela a été très violent. Je ne savais plus trop qui j’étais. Quand je devais parler de moi, je disais que j’étais la maman d’un enfant malade. Je me suis complètement identifiée à la maladie de mon enfant.

Aujourd’hui, vous avez développé une activité de coaching auprès des aidants. Comment en êtes-vous arrivée là ?

Proust nous dit qu’« on ne guérit d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver pleinement ». Pour ma part, j’ai traversé une très longue période du désert. Et c’est parce que j’ai souffert, parce que je n’ai pas trouvé l’accompagnement qu’il me fallait pendant cette période sombre que j’en suis arrivée à créer mon activité de coaching. Quand on apprend la maladie d’un enfant, on est dans un univers très triste, très noir et très sombre. Personne ne vient vous prendre la main pour vous aider à sortir de là. On vous met en lien avec des psychologues qui vous font pleurer. Sur le moment, cela soulage mais cela ne suffit pas. Voilà pourquoi, petit à petit, je me suis intéressée au coaching, d’abord au travers de la Programmation Neuro-Linguistique (PNL), une méthode qui permet de passer du statut de victime à celui d’acteur de sa vie, puis au travers de multiples méthodes. 

Qu’apporte le coaching par rapport à la psychothérapie ?

La psychothérapie nous met en lien avec le “pourquoi” de notre souffrance. Le coaching permet à la personne de l’aider à trouver des solutions. Dans le cas d’un parent ayant un enfant malade, cela lui donne des clefs sur la manière de vivre avec la maladie ou sur comment accepter l’inacceptable. Tout cela, les psychologues ne vous le donnent pas. 

Quand on vit la maladie, on a l’impression qu’on subit toute notre vie. Mais la vérité, c’est qu’on subit la maladie, pas la manière dont on a envie de la vivre, ce que l’on a envie d’en faire. La manière de vivre l’épreuve relève du choix. C’est notre liberté. Cette prise de conscience m’a permis de repenser ma vie “autour” de la maladie. Je ne voulais pas que ce soit la maladie qui dicte ma vie. Je trouve que c’est important d’accompagner les parents en ce sens-là comme je tente de le faire aujourd’hui. En PNL, on nous apprend à sortir de cette atmosphère négative qui nous fait couler en un rien de temps dans la dépression et le burn-out. Le coaching m’a vraiment ouvert un champ des possibles incroyable. À présent, j’exerce bénévolement auprès d’associations mais c’est aussi mon métier. Au-delà de l’accompagnement que je fais actuellement, mon ambition est d’amener le coaching à l’hôpital. Il y a tellement à faire !

Quelles clefs auriez-vous envie de donner aux Fabuleuses qui apprennent qu’elles ont un enfant malade ?

Quand on apprend la maladie de son enfant, la priorité est de laisser faire le temps. Et puis, à un moment donné, on ressent ce besoin d’avancer. Avant toute chose, je conseillerais aux mamans ayant un enfant malade de se reconnecter à elles, c’est-à-dire à leurs émotions. Il est nécessaire de se recentrer sur la personne que l’on est actuellement, qui n’est peut-être pas la même que celle d’avant la maladie. Savoir qui on est et se remettre au centre du processus est primordial. Car pour aider et accompagner un enfant malade, il faut d’abord être solide sur ses pieds. Cela passe par le fait de retravailler toutes ses fondations, ses valeurs, ses émotions. Il faut aussi savoir prendre du temps pour soi et apprendre à gérer la culpabilité. 

Nathan a une maladie dégénérative. Comment parvenez-vous — si tant est que c’est possible — à vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ? 

Avec mon mari, nous avons trouvé beaucoup de soutien auprès de l’association ELA, une association qui est portée par des personnalités publiques comme Brigitte Macron. Cela m’a permis d’échanger avec de nombreux parents. Apprivoiser la maladie est un cheminement. Au début, je ne faisais que penser au jour où Nathan ne serait plus là. Cela m’obsédait. Je me rendais folle et je n’arrivais pas à profiter du moment présent. Peu à peu, j’ai travaillé sur ce qui semblait important pour moi et me suis demandée ce qui comptait le plus dans ma vie. Les choses ont peu à peu changé. Alors que je maudissais chaque jour qui passait car je me disais que c’était un jour de moins pour Nathan, je me dis à présent que chaque jour est un cadeau, une chance incroyable de l’avoir en plus avec moi.

Est-ce que le coaching a changé des choses dans votre routine ? Quels sont vos moyens de vous ressourcer ? 

Avant que Nathan ne tombe malade, le développement personnel m’apparaissait comme sectaire. Je contrôlais tout. À présent, la méditation est devenue quelque chose de très important pour moi. Cela me permet de me recentrer. Quand je sens que le navire tangue un peu trop, le fait de me concentrer sur ma respiration m’aide beaucoup. Je vois aussi l’importance de m’investir dans des projets qui m’animent. Le fait de m’être formée à l’accompagnement est par exemple quelque chose qui “fait sens” pour moi. C’est très important de mettre du sens sur ce que je vis. Les formations que j’ai effectuées et mon nouveau métier font partie de cette quête. Le sens, c’est aussi ce que je veux apporter aux parents que j’accompagne. Je mesure aujourd’hui à quel point les aidants ont besoin de se remettre dans une dynamique de projet de vie pour avancer. C’est indispensable !

Malgré la vie difficile de Nathan, parvenez-vous aujourd’hui à profiter du moment présent avec lui, à vivre des instants de bonheur ?

Oui bien sûr ! Au début, quand nous avons appris la maladie, c’est comme si notre vie était devenue noire et grise et que tout n’était que désespoir… Mais la vie est cyclique ! Et en fin de compte, les couleurs reviennent petit à petit sans même crier gare. Un jour on se met à rigoler, un autre jour on se met à espérer, et puis on se projette… Maintenant, on essaie de rigoler chaque jour. De faire des projets tous les jours. Je ne suis pas heureuse de ce que je vis mais j’ai réussi à trouver le bonheur AVEC la maladie. Et cela, c’est très aidant !



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Cet article a été écrit par :
Claire Guigou

Journaliste, collaboratrice pour les Fabuleuses aidantes

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