Chère Fabuleuse,
L’annonce, ce moment si difficile, a sans doute eu lieu dans une pièce sans âme de l’hôpital. Un spécialiste a peut-être eu la décence d’étayer son discours ou au contraire, ses paroles concises t’ont choquée. Pour moi, cela a été à demi-mot. Seul le nom du syndrome neurologique a été prononcé. Une recherche sur internet m’a appris que nous avions mis le pied dans un univers inconnu et effrayant dont nous ne ressortirions pas : le polyhandicap. Avec du recul, je peux te dire que cela va aller. Cela va être dur, mais je te promets que ces portes de l’enfer vont également te mener à de belles choses inattendues.
L’existence d’avant, la vie d’après
À l’annonce du handicap, notre monde s’écroule. La vie imaginée pour son enfant et la nôtre, celle que nous menions paisiblement, comme nous l’entendions, sont dissoutes d’un coup de diagnostic. Un mélange de tristesse, d’injustice et de peur nous envahit. Je me souviens avoir vu par la fenêtre de la chambre d’hôpital, une multitude de grues. Les chantiers me crevaient les yeux. Comment la terre pouvait continuer de tourner ? Assister à des constructions alors que tout s’est écroulé subitement pour nous me remplissait de rancœur. Je n’avais pas songé que, peut-être, ces engins aidaient à détruire des édifices : le signe d’un nouveau départ. Ta vie ne sera plus jamais la même, c’est vrai. Cependant, je peux t’affirmer que tu vas être une formidable architecte et maître d’œuvre pour la rebâtir.
Un enfant différent, un être merveilleux
Si une fée me proposait d’effacer le polyhandicap de ma fille, je déclinerais l’offre. La fatigue chronique, le stress, la lassitude me le font implorer à certains moments. Le manque d’autonomie de mon enfant, la communication et les échanges limités avec elle me poussent quelquefois à supplier silencieusement qu’elle vive “normalement”. Sauf que… je l’aime comme elle est. Ni plus, ni moins. Au plus profond de moi, cette affection s’est ancrée et n’a jamais cessé. Je vous avoue même que ses différences la rendent à mes yeux encore plus attachante. J’admire sa force et sa ténacité. Chaque petite victoire représente un cocktail d’émotions positives que peu de gens auront l’occasion de goûter ! Ma fille me donne des leçons de vie si souvent. Elle m’a, entre autres, appris la valeur du moment présent.
Un isolement social, des rencontres riches
Être aidante représente une fonction chronophage et énergivore. Ton quotidien hors norme va noyer tes disponibilités pour partager du temps avec tes proches. Certains amis prendront de la distance, apeurés par le handicap. D’autres enchaîneront les maladresses. Rares et précieux, les meilleurs resteront et seront d’un soutien sans faille ! Tu rencontreras aussi des professionnels de santé bienveillants et incroyables lors des diverses prises en charge. Leur foi en ton enfant te portera. Enfin, isolée ne signifie pas seule. En 2022, un Français sur 5 joue le rôle d’aidant ! Un quart d’entre eux s’occupe d’un proche en situation de handicap. Échanger avec d’autres parents qui traversent des difficultés similaires rend plus fort.
Abattue parfois, combattante toujours
Autonomie, inclusion, tolérance… Les batailles s’enchaînent pour le bien-être de ton enfant. C’est en lui qui tu puiseras la détermination nécessaire pour constituer les fastidieux dossiers MDPH, pour courir d’un rendez-vous à un autre, etc. Une endurance insoupçonnée se révélera pour accompagner au mieux ton fils ou ta fille. En dépit des nuits éprouvantes, tu te tiendras debout le matin. Malgré un ras-le-bol de maintenir la cuillère, tu donneras le repas. Son épanouissement demeurera ta priorité, comme toute mère, à la différence près que l’aspect extraordinaire absorbe plus que de raison l’énergie. Souviens-toi de freiner pour réussir à avancer. Les Fabuleuses aidantes restent à tes côtés pour t’écouter et t’épauler.
Chère Fabuleuse, une nouvelle vie t’attend. Fais-toi confiance. Quoi qu’il arrive, tu es et seras la meilleure personne pour ton enfant.
Ce texte nous a été transmis par Christine Chaumeil, une Fabuleuse aidante