Conjoints aidés

Les émotions de l’aidant #4 La stigmatisation

Anna Latron 10 mai 2021
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Ce n’est pas un scoop : la société valorise les gens jeunes, beaux et en bonne santé. Les autres, les plus vieux, les “moins beaux”, ceux qui portent physiquement les marques de la vulnérabilité et de la fragilité, ne sont pas montrés, ou encore si peu.

Ni à la télévision, ni dans les journaux de mode, ni dans la publicité.

Être un proche aidant, c’est se retrouver confronté à cette réalité au quotidien.

La maman d’un enfant lourdement handicapé me confiait récemment combien c’est difficile de soutenir les regards de pitié ou de peur qu’on lance à son fils ou à elle lorsqu’elle le promène en chaise roulante.

Pour une autre aidante, ce sont les barrières architecturales qui font qu’elle doit solliciter l’aide de passants totalement inconnus pour monter une ou deux marches avec la chaise roulante de sa mère.

Les aidants de proches atteints de la maladie d’Alzheimer ne sont pas en reste : ils doivent subir des regards désapprobateurs lorsque l’aidé ne se comporte pas selon les règles et les normes établies. Et ne parlons pas des mamans d’enfants — jeunes ou moins jeunes — porteurs d’un trouble du spectre de l’autisme. Je suis bien placée pour en savoir quelque chose : certains regards m’ont meurtrie. J’ai mis beaucoup de temps à guérir de cette honte ressentie lorsque, dans la rue, je ne me précipitais pas vers mon fils qui venait de tomber, car je savais que le contact physique ne ferait qu’empirer la crise.

Aux États-Unis, certaines associations d’aide aux personnes atteintes de de perturbations cognitives ont imprimé de petites cartes que le proche aidant peut déposer sur la table des voisins au restaurant lorsqu’ils veulent y aller avec leur proche :

« Mon proche est atteint de la maladie d’Alzheimer. il se peut qu’il se comporte de manière insolite. D’avance, nous vous remercions pour votre bienveillance à son égard. »

Je trouve la démarche intéressante, car basée sur l’ouverture et la confiance dans la capacité des autres de comprendre et d’être bienveillants. En général, c’est très bien accepté et l’entourage porte un regard positif sur l’aidé, car les gens ont besoin de comprendre ce qui se passe et pourquoi la personne malade se comporte comme elle le fait.

Cependant, certaines situations restent extrêmement douloureuses et isolent l’aidant.

Je pense, par exemple, au don d’une pièce de monnaie à la personne handicapée. Un geste ressenti comme profondément humiliant. Au-delà de la maladresse évidente de ce geste, on peut aussi se dire que celui qui fait ce don est touché émotionnellement par le handicap mais ne sait pas trop comment l’exprimer, ni comment sortir de son sentiment d’impuissance.

C’est peut-être dans le cas d’un trouble psychique d’un proche que le ressenti de stigmatisation est le plus fort. Dans ces situations entre en jeu la peur de l’autre — le proche aidé — et il peut y avoir échange de commentaires dégradants envers cette personne et celui ou celle qui l’accompagne.

Avant de finir, j’aimerais partager cette anecdote lue quelque part il y a plusieurs années :

La maman d’un adolescent porteur de trisomie 21 était assise avec lui dans le tram. Une jeune mère assise en face d’elle avec un garçon de 6-7 ans explique alors à celui-ci : “Tu vois ce qui va t’arriver si tu ne travailles pas bien à l’école”, en lui montrant du doigt le jeune garçon trisomique. Profondément choquée, la maman aidante ne sut que dire sur le moment. Elle pleura toute la nuit, simplement rassurée que son fils n’ait pas compris qu’on parlait de lui.

Toutes ces formes de stigmatisations existent bien dans nos quotidiens : on peut se révolter, se fâcher, déprimer.

Parfois, la révolte nous aide, la colère aussi. Mais sur le long terme, ces émotions ne sont pas utiles car elles nous minent et nous vident de notre énergie nécessaire. Alors, que faire ? Le mieux est d’accepter ce qui est, pour le moment. Car la situation est ce qu’elle est, on ne peut pas la changer et garder sa paix intérieure, une forme de tranquillité, est essentiel.

Cela n’empêche pas de militer — dès qu’on le peut, dès que l’on s’en sent capable — pour une meilleure acceptation des personnes différentes, handicapées, malades, vulnérables, pour que chaque citoyen, les professionnels de santé et l’État fassent tout leur possible pour voir évoluer les mentalités.

Tant de questions se posent lorsqu’on est proche aidant :

Pourquoi lui ou elle, pourquoi nous, pourquoi maintenant, nous ne méritions pas ça !

L’auteure américaine Caroline Myss écrit :

« Que je puisse lâcher prise du besoin de savoir pourquoi les événements se produisent comme ils le font. Je ne le saurai jamais et cette recherche constante produit une souffrance constante. »

Et toi, chère Fabuleuse aidante, parmi les sentiments explorés ici depuis plusieurs semaines maintenant, quel est le plus présent en toi ?

Je te rappelle les sentiments déjà explorés :



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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 10 ans, elle est la maman de deux garçons dont Alexis, atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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