Il paraît que je suis aidante ? Moi qui pensais naturel d’aider mon enfant…ça ne vous semble pas normal, vous, de vous occuper de votre enfant, surtout s’il présente des difficultés de développement ? Si, c’est normal. On ne va pas l’emmener au foot mais chez l’orthophoniste, donc finalement, ça revient au même.
Ce qui n’est pas normal, c’est de devoir renoncer à son activité professionnelle, de ne plus pouvoir partir en vacances, de délaisser sa santé et même son bien-être. Je n’ai pas la chance de pouvoir aller chez le coiffeur régulièrement ou de me payer un massage thaï avec mes copines.
Alors un aidant, qu’est ce que c’est ?
« Les termes de proche aidant, d’aidant familial ou d’aidant naturel désignent les personnes venant en aide à une personne dépendante et/ou handicapée faisant partie de leur entourage proche ou que la personne a choisie. » En 2019, la France compterait environ onze millions d’aidants familiaux, soit un Français sur cinq.
(Source Fondation April)
Mais un aidant, ce n’est pas que ça.
Un aidant, c’est aussi un manager. En effet, nous gérons des ressources familiales, médicales, financières, environnementales et humaines. On peut dire sans exagérer que beaucoup d’aidants ont la responsabilité d’une petite unité de travail. À ce titre, ils ont pu développer ou révéler de nombreuses compétences, comme l’aptitude à la polyvalence, à gérer une forte charge émotionnelle, à résoudre des problèmes complexes, ou à trouver des solutions innovantes…
Mais ça, personne ne le sait. Et c’est dommage, car leurs compétences acquises et leur expérience de vie répondent aux nouveaux besoins des recruteurs et des entreprises.
Les proches aidants développent des savoir-faire et des savoir-être à partir de leur expérience.
Ces capacités sont actuellement loin d’être reconnues. S’il est urgent de changer de regard sur les personnes en situation de handicap, il est tout aussi urgent de changer de regard sur les personnes en situation d’aidance. En particulier dans le monde de l’entreprise.
Pour que ce changement de mentalité s’opère, encore faut-il que les employeurs puissent reconnaître les compétences acquises par les aidants à travers cette expérience de vie imposée. Et naturellement, d’abord chez leurs salariés !
À défaut de pouvoir toujours capitaliser sur nos expériences professionnelles, souvent mises entre parenthèses pendant que nous étions mobilisés par nos missions d’aidants, nous pouvons en revanche capitaliser sur notre vécu personnel. Les situations exigeantes, parfois difficiles, que nous vivons, nous permettent en effet de développer des capacités originales qui nous font grandir. Ces softkills, comme on les appelle (« compétences douces » au sens littéral, ou plutôt « savoir-être »), peuvent, doivent (!) être transposées et valorisées par les entreprises.
Oui, l’aidant est débordé, mais il est aussi débordant de capacités et de ressources !
Pourtant, beaucoup d’entre nous sont victimes de décrochage professionnel. Si l’aidant a dû interrompre son activité professionnelle, il lui est souvent difficile de retrouver du travail. Et s’il arrive à se réinsérer professionnellement, très souvent, il s’agira de postes axés sur l’aide à la personne.
Or, ces compétences acquises peuvent parfaitement s’adapter à des postes en tout genre. Les entreprises n’étant pas toutes conscientes de cela, il faut les inciter à expérimenter. Il est temps de lever les freins qui nous empêchent une inclusion dans la vie professionnelle !
En commençant par les freins que nous activons nous-mêmes.
En effet, la personne aidante ne se rend pas toujours compte de ses capacités et a des difficultés à les mettre en valeur. Il est donc déterminant d’aider les aidants à changer leur regard sur eux-mêmes.
Autre frein, qui vient du monde de l’entreprise cette fois : la situation d’aidance génère la plupart du temps des a priori négatifs, car « on » imagine un risque de baisse d’activité et de productivité, d’absentéisme, de retard, d’irritabilité, de nécessité d’adapter son temps de travail…
Mais en réalité, la problématique d’adaptation du temps de travail rejoint la thématique de la qualité de vie au travail. Dès lors, toute entreprise peut s’interroger sur la manière d’accompagner au mieux ses salariés, quelle que soit leur situation. L’articulation entre vie privée et vie professionnelle est une préoccupation majeure actuellement ; il faut intégrer les aidants dans cette réflexion.
Il faudrait aussi changer de discours, éclairer les situations des aidants en évoquant leurs forces.
En ce qui me concerne, mon Émile m’a fait prendre confiance en moi. Il m’a appris la patience et m’a donné une belle définition de la résilience. Il m’a appris à me surpasser et à me battre là où j’abandonnais facilement avant.
Je suis sortie de ma zone de confort.
Il y a des moments difficiles, j’apprends à les gérer, à trouver les ressources en moi, auprès de mon entourage et ailleurs. Mais il m’a remis sur le bon chemin alors que je n’avais pas conscience que je m’étais perdue.
Nous avons de la valeur, nous avons des ressources, nous sommes capables, et nous ne sommes pas que des aidants ! Reconnaissez-nous, embauchez-nous !
#EmbaucheTonAidant
#LesAidantsOntDuTalent
Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse aidante, Juliette Lacronique, fondatrice du réseau E-Norme.