À la naissance de Charles en mars 2007, j’ai eu cette sensation d’être montée dans un TGV infernal. Depuis, il ne cesse d’avancer à une très grande vitesse. J’en ai le vertige tellement il va trop vite. Même si maintes fois il a déraillé, il est toujours reparti. À chacune des nouvelles annonces de l’évolution de sa maladie, ce train a pris l’habitude de faire des grands huit.
Alors, je me sens comme passée à l’essoreuse à 10.000 tours.
L’inquiétude et la peur font alors leur œuvre. Mon loup noir prend alors la main. C’est à l’image des montagnes russes. J’en ai le tournis à cause de la présence sournoise de l’incertitude.
Avec les années, ce train infernal est reparti moins vite, certes, parce que j’ai réussi à déléguer au fur et à mesure pour garder la tête hors de l’eau. Heureusement, ce trajet est ponctué de quelques pauses — hélas elles sont toujours très chronométrées. La reprise est alors souvent difficile tellement il y a à penser, à gérer, à découper, à prévoir, à anticiper, à administrer, à répondre, à relancer, à comprendre, à apprivoiser.
C’est infernal, car ce train ne s’arrête jamais !
Avec les années, une usure, une fatigue abyssales s’installent petit à petit. Et puis un jour, ça déborde. Personne n’avait voulu croire et encore moins l’entendre : l’épuisement ronge un peu plus chaque année. Malgré la mise en place de plein de belles choses pour toujours y arriver.
C’est dans son regard plein de douleur et ses cris lorsqu’il a mal qui me font toujours aller encore plus loin, toujours plus loin. Lors des périodes d’accalmie, l’espoir pointe son nez et dans ces moments-là, j’ai l’illusion qu’elle va durer.
J’aimerais tellement croire quelques instants que cette maladie va s’arrêter.
Que nenni : la réalité ressurgit instantanément en ouvrant la boîte mail. La prise de sang révèle des bactéries, il est donc nécessaire que je courre à la pharmacie pour l’antibiotique qui calmera quelque temps cette nouvelle infection.
D’un côté, mon énergie me pousse à agir et de l’autre la tristesse m’envahit. J’aurai tellement besoin de douceur.
Un jour tout bascule et le train poursuit sa route mais sans moi.
Aussi, je me félicite d’ être enfin descendue de ce train. Depuis un mois, je me demande vraiment comment j’ai fait toutes ces années, comment j’ai pu tenir. Lorsque je regarde en arrière, je suis stupéfaite et abasourdie par ce dépassement de moi-même !
J’ai beaucoup de chance que mon mari prenne le relais pour quelques mois. Lui aussi trouve que tous ces rendez-vous, toutes ces réunions, ces mails et ces appels téléphoniques sont comparables à un train infernal !
Je souhaite que ce lâcher prise soit plein de fécondité.
Après quelques mois, je savoure cette magnifique récompense par une très belle relation avec Charles. Finalement, il a besoin tout simplement d’une MAMAN et non d’une infirmière ni d’une gestionnaire de ses soins médicaux. Je suis tellement heureuse d’avoir pris cette décision.