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Enfants extraordinaires

Je suis épuisée par les crises de violence de mon proche aidé

Axelle Huber 23 octobre 2023
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Christian, 52 ans, a une tumeur au lobe frontal depuis 10 ans.

Il a parfois des crises d‘épilepsie. De physique, la maladie est devenue psychique. Du fait de la tumeur, il a des difficultés de compréhension. Du fait des traitements, l’humeur s’altère, Christian est souvent déprimé et incapable de se concentrer. Dans le cercle familial, il parle mal aux siens et se montre souvent hystérique, voire hargneux et désagréable, tout en ayant des manifestations de paranoïa ainsi qu’un égocentrisme très fort. Ces symptômes psychiques, il refuse de les reconnaître.

Polo, 6 ans, est un enfant atteint d’autisme.

Lorsque une contrariété survient, il peut brutalement se braquer et pousser des cris de rage pendant des heures, en se tapant la tête contre les murs. Il peut aussi se rouler par terre en hurlant. 

Sophie, 17 ans, à la suite d’un accident de la route, a subi un traumatisme crânien très important, elle est cérébro-lésée.

Elle a passé plusieurs mois dans le coma, entre la vie et la mort. Au fil des ans, elle a finalement beaucoup progressé puisqu’elle a pu remarcher à peu près, même si elle se sert souvent de son fauteuil roulant, et qu’elle a retrouvé 50% de l’usage de ses bras. Elle a gardé des séquelles psychologiques importantes avec une amnésie assez forte, des difficultés à se repérer, à décider et planifier, ainsi qu’une difficulté à manifester de l’attachement. Elle a aussi développé des tocs et des manies. De façon assez obsessionnelle. Son imagination peut lui jouer des tours et engendrer des crises de rage. Elle peut aussi passer des heures à pleurer et se renfermer.

Ghislaine, 72 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer.

Elle a beaucoup de mal à s’adapter aux changements, cela génère un stress très fort chez elle. Ce stress, elle l’exprime le plus souvent avec des cris, des refus violents, des menaces voire des insultes. Elle peut aussi mordre ou tirer les cheveux et est championne toute catégorie en claquage de porte.

Matthieu, 8 ans, souffre de Trouble du déficit de l’attention/Hyperactivité (TDAH)

avec des troubles explosifs intermittents (TEI) et un trouble oppositionnel de provocation (TOP). Il se montre très souvent hostile et défiant, et conteste systématiquement l’autorité tout en refusant d’observer des consignes. Il supporte très mal la frustration. Il peut se montrer susceptible, méchant et grossier

Qu’ont en commun Christian, Polo, Sophie, Ghislaine et Matthieu ?

Ils manifestent beaucoup d’impulsivité, ont souvent du mal à se contrôler et leur colère est en général tout à fait disproportionnée par rapport au déclencheur. Ils sont particulièrement vulnérables aux émotions, sensibles aux stimuli et réagissent alors plus vite et plus fort qu’un autre à des mêmes événements. Ils s’apaisent difficilement à la suite de contrariétés.

Comment faire entendre raison à nos cinq héros — Christian, Polo, Sophie et Ghislaine, Matthieu — pour qui l’expression de la colère se confond avec violence ? Certains jours, ils peuvent avoir de la lucidité sur leur comportement, et d’autres non. Eux dont la responsabilité de leurs actes n’est que partielle, voire nulle, en raison de la maladie ou du handicap ! C’est là le travail des professionnels qui tentent de les aider à apprendre à identifier et moduler leurs émotions, à développer leurs capacités de résoudre des conflits et interagir de façon positive avec les autres. Ce travail, tu en hérites aussi.

Pas trop le choix… Avec l’irruption de la maladie, du handicap, tous vos équilibres sont bousculés, vos repères modifiés. La fatigue et la charge mentale s’accumulent, le stress et les inquiétudes face à l’avenir sont omniprésents. Et à cela s’ajoutent, pour toi la Fabuleuse aidante, les difficultés dues aux comportements de ton proche aidé. Alors, la coupe est trop souvent pleine face à ces crises de violence, face à ce proche qui te semble certains jours comme un étranger. 

Il t’arrive de te demander s’il ne fait pas exprès.

Tu aimerais tant avoir les clefs pour accéder à lui et mettre sur “pause” ces crises de violence. Il a pu t’arriver d’être tentée de quitter ton proche, d’abandonner le navire. Que tu aies pu, contre vents et marées, t’accrocher à la barre ou non, tu sais au fond de toi que tu ne peux pas reprocher à ton proche ce qui relève de la maladie et/ou des traitements. 

Que peux tu faire, toi, la Fabuleuse, comment réagir ?

Je dois t’avouer que je n’ai pas de baguette magique ni de solution miracle. Il nous faut, pas à pas, essayer certains outils, patiemment. Tout d’abord, on ne le redira jamais assez : prendre soin de toi le mieux possible pour trouver un sas pour déposer ce que l’on a sur le cœur. Pour toi, chère Fabuleuse, qui aura besoin de décharger ton fardeau, des outils comme l’autohypnose, l’EMDR, la cohérence cardiaque, la relaxation, la méditation, la sophrologie, l’EFT seront bien sûr des secours. Un professionnel pourra t’y initier ou les pratiquer avec toi.

Ainsi, tu seras plus apte à essayer, le mieux possible, de rester calme lors de la crise et ne pas rentrer dans la spirale de la violence. Celle-ci est, en règle générale, la conséquence d’une colère qui n’est pas entendue, qui n’a pu s’exprimer sainement, paisiblement. Mais dans le cas de Christian, Polo, Sophie, Ghislaine et Matthieu, la violence est le premier mode d’expression, ils ne savent pas, ou pas assez, passer par la case colère, l’accueillir et s’en libérer. 

En gardant en tête les maîtres mots des secouristes — protéger, alerter, secourir — tu essayeras au mieux de protéger votre sécurité, votre environnement en envoyant tes autres proches et/ou en allant  toi même dans une autre pièce. Ou en accompagnant ton proche aidé dans sa chambre si cela est possible.

En effet, parfois la rage est telle que ton proche aidé peut hurler, chercher à taper, donner des coups de pied, autour de lui.

Si ton proche est coutumier de ces crises, tu n’auras pas attendu une énième pour sécuriser sa chambre et enlever tout objet risquant de le blesser. Tu pourras mettre une musique que ton proche aime, ou telle ou telle musique relaxante. Tu pourras l’apaiser par le son et le ton lent de ta voix, par tes mots simples, clairs, en dédramatisant. En gardant en tête que de surenchérir à sa violence par tes cris ou hurlements n’aiderait pas. Si cela t’est possible, c’est-à-dire si t’approcher de ton proche aidé, au plus fort de la crise, ne te fait pas courir de risque pour toi-même, tu pourras prodiguer des caresses ou bien lui donner quelque chose de doux à caresser, ce qui aura l’avantage de faire monter l’ocytocine (hormone du bien être et de l’attachement) et faire baisser le cortisol (hormone du stress).

Inutile de chercher à raisonner pendant la crise car ton proche (et même toi) n’aurez pas accès à votre logique, à votre pleine capacité de réflexion, étant trop envahis de cortisol. Si ton proche aidé est un enfant et qu’il ne risque pas de te blesser, tu pourras essayer de le contenir en le prenant dans les bras, en le berçant doucement.

Tu chercheras à déterminer les causes de ces crises, et notamment identifier un déclencheur systématique.

S’il s’agit d’une douleur ou d’un inconfort (soif, faim, besoin d’aller aux toilettes, besoin de bouger, de se reposer, de dormir, etc), de besoins sociaux (communiquer), psychologiques (être en lien, se sentir stimulé, appartenir etc), tu essaieras bien sûr, de tenter d’y pallier au mieux. L’agressivité résulte souvent du signe d’un besoin insatisfait ou d’une tentative de le communiquer et il importe alors de décoder le message derrière le comportement. 

Bien sûr, à l’apparition de ces crises, il importera d’aller consulter son médecin pour réajuster son traitement et que vous puissiez, les uns et les autres (avec son médecin ou un autre professionnel) parler de cette détresse émotionnelle. Lorsque la crise sera passée, tu pourras en reparler avec lui, si cela est possible.

Après la crise, tu seras sans doute vidée, sans énergie.

Il sera probablement nécessaire de remplir ton « réservoir » afin une bonne dose d’autoempathie, de compassion, et de chercher à te faire du bien. 

Voici des exemples de musique qui peuvent aider à se détendre, pour toi comme ton proche aidé. Serait-ce le bruit des vagues comme ici, ou bien ici, ou encore là ?

PS : les prénoms ont été modifiés comme à chaque fois.



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Cet article a été écrit par :
Axelle Huber

Coach et thérapeute, Axelle Huber accompagne aujourd’hui les personnes sur des enjeux de connaissance de soi, de compétences émotionnelles et relationnelles,  de développement personnel, et notamment dans des contextes de ruptures de vie comme peuvent l’être l’aidance ou le deuil. Elle donne des conférences et anime des ateliers sur ces sujets.

Elle est l’auteur de Si je ne peux plus marcher je courrai, Mame 2016 et  de Le deuil, une odyssée, mame 2023.

https://axellehuber.fr

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