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L’année 2020 a été riche en événements inédits pour tout le monde. Peu joyeux souvent, il faut l’admettre. J’ai personnellement à mon actif un accident de voiture, un confinement mal supporté, une séparation, des galères avec la maison, la mort de mon compagnon le plus doux et le plus fidèle, des soucis de santé.

Du lourd à porter.

Mais j’ai les épaules solides. Et j’ai eu quelques lumières dans ce brouillard sordide.

Cette année a surtout été le révélateur du trouble de mon fils. J’avoue. J’ai vilement profité des rendez-vous qui s’annulaient pendant le confinement pour consulter les médecins impossibles à voir en temps normal et dont il avait besoin.

Et le verdict est tombé. 

Il a fallu accepter. J’ai pleuré. J’ai pris ce fardeau de plus sur mes épaules. Il est lourd. Bien plus que tout le reste. Et sur le coup, il m’a paru insupportable. 

Mon fils est autiste. 

Évidemment, j’ai cherché ce que cela voulait dire. Maladie ? Handicap ? Irréversible ? Fatal ? J’ai lu des articles interminables et je suis tombée sur des vidéos horribles d’enfants en crise. J’ai eu peur. 

Je me suis demandé ce que j’avais mal fait pour qu’il soit comme cela.

  • Trop de ceci ?
  • Pas assez de cela ?
  • Accouchement provoqué ?
  • Allaitement trop court ?
  • Climat familial peu serein ?

Et évidemment, il n’y avait aucune raison valable à mes yeux pour que ce qui n’avait pas touché son frère aîné ait un impact sur lui. 

Je me suis aussi demandé ce que j’avais fait de mal.

Pendant un moment, j’ai cru au karma. J’ai repensé au jour où j’ai découvert qu’il était là, tapis au creux de moi. Il est arrivé discrètement. Et ce n’était pas le moment. Sur le coup, je ne savais pas dire si j’en étais heureuse. J’ai pensé, on m’a conseillé aussi, à l’époque, de le “faire passer”. 

Il ne pouvait pas naître dans le contexte tendu dans lequel je vivais. Et j’ai hésité. Longtemps. Jusqu’au dernier jour du délai légal, en fait. Mais je n’ai pas pu. Au fond de moi, il existait déjà. Il avait sa place auprès de moi. Je n’ai jamais regretté mon choix. Sauf peut-être un quart de seconde, ce jour de mai où tout a basculé. Il est ainsi parce qu’il ne devait pas naître. Oui, je l’ai pensé.

Et puis il m’a fallu admettre que je n’y étais pour rien.

Ni mes choix, ni mes actes, ni ma façon de l’éduquer n’ont eu d’impact sur lui. Il est. C’est ainsi.

Au contraire, pendant trois ans, j’ai compensé tout ce qui pouvait le toucher pour le tendre vers la normalité. J’ai tiré des sonnettes d’alarme plusieurs fois. Et personne ne m’a entendue. J’étais une mère trop protectrice. C’est tout.

De l’autisme on ne sait rien. Ou presque. Pour les autistes, on ne fait rien. Ou presque. Il m’a fallu voir la réalité en face et comprendre ce qu’il ne sera jamais.

Il ne sera jamais le premier de la classe.

Tout apprentissage, même simple, sera une montagne pour lui. Son retard de langage fait de chaque mot qu’il prononce une petite victoire. 

Il ne sera jamais lui-même en public.

Ses relations avec les autres seront conditionnées par son trouble. Il lui faudra apprendre à faire semblant d’être un autre pour être accepté. L’attente est pour lui un supplice ?

Il nous faudra supporter les regards des gens qui l’ignorent et nous jugent.

Et je dis bien « nous » car j’en prendrai ma part. Après tout, quand il est en crise en public, je suis la mère qui ne sait pas élever son enfant. Qui ne sait pas tenir son gosse. Qui ne sait pas le faire taire pour le bien être de tous… Ici, c’est à lui de s’adapter. 

Il ne réagira jamais comme la norme le veut. Mais est-ce un mal ? 

Il ne sera jamais mon enfant idéal.

Tel que je l’ai rêvé dès le premier jour de sa vie.

J’ai aussi dû me rassurer sur ce qu’il n’est pas. Il existe autant de syndromes autistiques qu’il y a d’enfants autistes. 

Il n’est pas cet enfant filmé et diffusé sur YouTube qui pique une colère extrême parce qu’on l’a contrarié. Oui, la frustration est difficile pour lui. Mais il se contrôle de mieux en mieux. Il apprend. Déjà. 

Il n’est pas un attardé mental, comme certains l’imaginent. Au contraire, il comprend tout et saisit bien des choses invisibles à beaucoup. 

Il n’est pas enfermé dans une bulle où nul autre ne peut entrer. Il a ses moments de solitude. Que celui qui n’a jamais ressenti l’envie de rester seul un moment lui jette la première pierre. Je serai là pour l’encaisser à sa place. Et la renvoyer. Tant qu’il ne pourra pas le faire lui-même.

Et il me faut accepter ce qu’il est. Un enfant différent.

  • Il est cet enfant doué d’une empathie extraordinaire, capable de déceler quand je ne vais pas bien et de désamorcer la bombe qui sommeille en moi d’un simple câlin. Qui ne se sent rassuré que quand je lui dis que je vais bien, même si c’est juste un faux-semblant pour que lui aille bien. 
  • Il est cet enfant rieur qui sait très bien comment jouer pour me faire sourire de ses pitreries chaque jour. 
  • Il est cette boule de colère fumante et incomprise par moment qui laisse place à une montagne de douceur et de tendresse quand elle s’est consumée. 
  • Il est cet enfant que j’ai choisi d’avoir malgré tout et que j’aime infiniment plus chaque jour. Pour qui je me damnerai, pourvu qu’il aille bien. 

Il est mon fils. Il est. Tout court. 

Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse aidante, Elise



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Cet article a été écrit par :
Une Fabuleuse aidante

Nos lectrices, elles aussi aidantes, nous envoient parfois des textes formidables que nous avons plaisir à publier ici.

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