Lorsque j’étais une adolescente, je me disais souvent : « Je n’ai pas envie d’avoir d’enfants et de devenir « la mère de… ». j’ai envie d’avoir ma propre destinée, mon identité en dehors de ma famille. » Égoïsme ? Ambition ? Je ne saurai dire aujourd’hui. Sans doute un peu des deux. Quoi qu’il en soit, par la force des choses, je suis bien la mère de… quatre enfants charmants (objectivement), quatre pépites.
Dans ce lot de pépites, il y en a une, un peu « abîmée », dira-t-on, c’est mon second, il est porteur du syndrome d’Asperger.
Cette année, nous avons entamé l’entrée au collège.
Je l’appréhendais, car, moi qui suis enseignante, je ne connais que trop bien cet univers. Le démarrage s’est fait comme un parachutage pour les professeurs :
« Il fait du bruit avec ses stylos, il semble qu’il n’écoute pas, il n’écrit pas, il farfouille dans sa trousse, il a l’air en marge du groupe, les consignes sont difficiles, en EPS il est distrait… »
À la volée, sur un parking, un adulte qui côtoie Siméon dans l’établissement me confie : « Il faut absolument que vous trouviez une solution pour qu’il ait une AVS à plein temps sinon ils vont le réorienter ».
J’ai froid, l’hiver arrive, il pleut.
Ce matin, passage express à la pharmacie : « Bonjour, il me faudrait quelque chose pour… Comment dire ? J’ai 4 enfants dont un, porteur d’un handicap. ça ne va pas, je suis fatiguée » Pas besoin d’en dire beaucoup plus, je repars avec quelques cachets aux plantes qui m’aideront à faire face au stress, à la fatigue psychologique et, croyez-le ou non, à mon irritabilité…
Vous ai-je parlé des cinq manteaux oubliés à l’établissement, de la règle scan déjà changée par deux fois, des lunettes perdues, des cours qui ne sont pas pris (la faute à une dysgraphie sévère) et du trop peu de choses qui sont mises en place, et qui font que le soir je complète avec les cahiers de l’année dernière de sa grande sœur ?
Ça ne va pas, je suis fatiguée.
Vous ai-je parlé des rendez-vous avec l’orthoptiste, l’ergothérapeute, l’hôpital de Bagnols, celui de Palavas ? La liste s’allonge au fil des mois.
J’avance à flux tendu, je suis la mère du « petit autiste »… Si vous le connaissiez !
Il a un mal de chien à faire ses lacets, mais il connaît tout du système solaire ; il lui est difficile de vous regarder , mais il s’efforcera de toujours être honnête, il devra bientôt porter des plâtres aux deux pieds, pourtant jamais il ne se plaint.
Le temps passe et le bulletin arrive dans ma boîte mail, épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Tout ne passe pas par l’école cependant, mon Siméon, lui, est un puits de connaissance. Il se sait non-performant en activités sportives, il sait qu’il oublie tout dans la vie quotidienne, qu’il peine à avoir des copains, mais il sait aussi que son cerveau marche bien.
Et il a de très bons résultats.
Bien sûr on souligne sa distractibilité, son caractère en marge mais on reconnaît son travail, sa culture.
Et je pense à tous ces aidants du premier trimestre :
Professeurs qui notent les devoirs sur son agenda, ceux qui remettent tout le cours en ligne, l’association qui me soutient dans le montage de mes dossiers, son AVS mutualisée qui l’ épaule par tous les moyens et qui rattrape tant que faire se peut les matières où elle n’est pas là.
Je pense à tous ceux-là, les aidants de l’aidante lorsque je lui tends son relevé et que son visage se fend d’un sourire interrogatif :
« Plutôt pas mal pour un début d’année ? »
Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse aidante, Ruth Bertrand, fondatrice du site Porteuses d’espoir.