notre douce tribu
Enfants extraordinaires

Dans les coulisses d’une tribu pas comme les autres

Brunella Maillot 21 novembre 2022
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« Je crois que nous allons devoir, à nouveau, reprendre les recherches génétiques, j’en suis désolée… »

C’est avec cette phrase que notre monde s’est effondré, une deuxième fois…

Bonjour à toi qui me lis, chère Fabuleuse !

Je m’appelle Brunella et j’aimerais t’emmener dans les coulisses de mon quotidien pas comme les autres…

Quand la généticienne nous dit ces mots qui nous bouleversent, nous nous trouvons dans cette petite chambre d’hôpital, après un épisode convulsif de mon petit homme de 13 mois sur le tapis du salon pendant ma sacro-sainte pause du petit déjeuner. J’ai failli m’étouffer avec ma biscotte en entendant ce bruit guttural qui vous glace le sang, ce bruit si particulier aux convulsions.

Si comme moi, tu évolues dans ce monde-ci où convulsions et épilepsie se côtoient, tu vois bien de quoi je veux parler… 

Sirènes de SMUR, équipe médicale qui déboule en trombe quelques instants plus tard dans notre minuscule salon et nous voilà partis dans ce fourgon à vive allure, direction le Pôle Femme Mère Enfant de la ville d’à côté. 

Le branle-bas de combat cesse peu à peu pour laisser place, dans ces couloirs blancs aseptisés, à ces fichus bip stridents et incessants. La porte de notre chambre se ferme, le calme revient et avec lui, l’adrénaline descend et nos nerfs lâchent… 

La généticienne est là, présente avec son regard bienveillant. Ses mots sont choisis, pesés mais si lourds de sens pour nous. 

Mon monde s’effondre, une fois de plus, je m’accroche au regard de mon Fabuleux qui essaye tant bien que mal de garder, pour sa part, la tête hors de l’eau…

Joshua, notre petit prince…

La grossesse s’était pourtant parfaitement déroulée, tout avait été si “parfait” jusque là. Effectivement, il y avait bien, en ce qui le concerne, un retard de développement moteur mais celui-ci était lié, à priori, à une déficience visuelle et auditive décelée quelques mois plus tôt. Rien de bien alarmant. Je ne comprenais pas : l’électro-encéphalogramme fait quelques mois plus tôt était, lui aussi, parfait. L’IRM ne décelait aucune anomalie. Alors pourquoi ? Que se passe-t-il donc ? 

1001 questions se bousculent alors dans ma tête, je passe par tout plein de sentiments violents. Les uns après les autres, ils se disputent la première place dans ma tête et mon coeur : incompréhension, colère, angoisse et j’en passe… 

Ces sentiments, je les connais, cet endroit aussi : ils sont si particuliers et pourtant familiers pour nous. Quelques années plus tôt, nous y avions passé beaucoup de temps, bien trop de temps, avec Lou-Anne, notre premier bébé, la grande sœur de Joshua. 

Lou-Anne est née après un accouchement particulièrement difficile.

Pré-éclampsie et souffrance foetale ont occasionné chez elle un énorme retard psychomoteur. Nous avons effectué des va-et-vient incessants à l’hôpital durant ses premiers mois de vie car notre petite Lou pleurait beaucoup et ne dormait que peu. Notre couple, nos nerfs ont été bien mis à mal mais cela, je te le partagerai plus longuement dans un autre texte, car c’est un autre sujet.

Après des mois intensifs de recherche génétique, nous n’avions rien décelé. Le diagnostic de souffrance foetale avait donc été posé, sans toutefois permettre d’écarter de façon certaine celui d’une quelconque anomalie génétique. 

Quand je te dis “intensifs” chère Fabuleuse, je te parle là de plusieurs dizaines d’échantillons de sang prélevés, des IRM, beaucoup d’électro-encéphalogrammes et de spécialistes en tout genre vus de façon régulière sur ses 4 premières années de vie ; tout cela sans compter les visites imprévues aux urgences pédiatriques. Notre petite Lou, brave et courageuse…

Nous avons, pas à pas, commencé à prendre nos marques, nos repères et à vivre notre première parentalité, différente certes mais ô combien normale pour nous.

Puis, “rassurés” par ce diagnostic de souffrance foetale, nous avons décidé de projeter l’arrivée de notre deuxième bébé. 

Cette nouvelle grossesse a été particulièrement suivie sur le plan médical. Diagnostic anténatal, échographies poussées, les médecins ont cherché, fouillé — quoi, je ne sais pas, mais ils étaient à l’affût à chacun des examens prévus. 

Et nous voilà, quelques années plus tard, dans ce même couloir, ce même service mais pas avec le même bébé. 

Notre monde s’effondre.

Quelqu’un peut me dire où se trouve le bouton “Pause” ? 

Respire, Brunella, ça va aller… Nous voilà donc à pousser de nouveau cette porte de la recherche génétique et à renouer avec un quotidien marqué par des dizaines de flacons prélevés, des IRM, des électro-encéphalogrammes, tous ces examens s’accompagnant d’une foule de spécialistes…

Aux 6 ans de Lou-Anne, soit deux ans après cette phrase de notre généticienne, ça y est : tel Indiana Jones, ils ont trouvé, dans les méandres des coulisses du génome, comment résoudre cette énigme. 

Mon Fabuleux et moi nous sommes porteurs sains d’une mutation sur un gène trop bizarre.

Nous ne le savions pas et puis, si mes calculs sont bons, nous avions certainement une chance sur « je ne sais combien » de nous rencontrer et de faire des bébés… Par deux fois, nous avons transmis les chromosomes affectés à nos petits qui ont donc subi de plein fouet le handicap.

Certains, à ce moment de l’histoire, ont eu le génie de nous dire « Dis-donc vous, faut pas jouer au Loto ! » Merci… Pour la délicatesse, on repassera.

Six ans non-stop de recherche pour trouver la réponse à nos questionnements.

Six ans durant lesquels  je me suis sentie tout sauf fabuleuse, six ans de montagnes russes mais aussi six ans à appréhender un monde inconnu dans lequel nous avons peu à peu appris à vivre, à nous découvrir, à construire, à nous reconstruire et à nous aimer, très fort. 

Et puis, six ans après la naissance de Joshua, nous avons décidé de rêver à nouveau et d’entreprendre ce projet — un peu fou, je te l’accorde — d’une troisième grossesse.

Nous voulions une parentalité différente cette fois !  

Nous prenons donc rendez-vous avec la généticienne et la gynécologue pour entamer un parcours particulier pour ce troisième bébé… mais chère Fabuleuse, je crois que tu l’as compris : chez nous, nous ne faisons pas vraiment les choses comme les autres !

Et c’est donc tel un joli Kinder Surprise que nous avons appris ma grossesse en 2019, boycottant donc les rendez-vous médicaux programmés. 

En effet, notre bébé a été conçu, de la manière la plus naturelle qu’il soit et donc, sans soutien médical comme nous l’avions d’abord envisagé.

Nous avons accueilli Raphaël une semaine avant Noël cette année-là.

Nous n’avons rien calculé mais tout était bon cette fois : nous avions transmis les deux chromosomes sains ! 

Quoiqu’il en soit, je suis une maman fière, amoureuse et comblée avec mes trois trésors et mon Fabuleux. J’ai une vie pas comme les autres, certes, mais comme tout le monde au fond, non ? 

Est-elle intense, cette vie ? Oui ! Est-ce que je craque ? Oui ! 

Est-ce que je me sens fabuleuse ? Pas tout le temps, et pourtant je le suis, tout comme toi qui lis ces lignes.

C’est notre identité : fabuleuses, nous le sommes quoi qu’il arrive.

Dans ce quotidien qui est le mien, j’ai appris que la vulnérabilité est une force, qu’il y a beaucoup de puissance dans la simplicité et que parfois, les cadeaux emballés différemment de ce qu’on aurait aimé avoir peuvent renfermer de bien jolis et précieux trésors… 

Je t’envoie, à toi et à ta tribu extraordinaire, mes plus tendres pensées et te dis à très bientôt.

Brunella 



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Cet article a été écrit par :
Brunella Maillot

Thérapeute familiale et conjugale, je suis maman de trois enfants, dont un en bas âge et deux qui sont polyhandicapés. Mon quotidien est donc rythmé par une cadence intense : jongler entre école à la maison pour mon benjamin, prise en charge thérapeutique et dépendance totale de mes aînés pour les actes de leur vie quotidienne. 

La gratitude est pour moi une valeur à chérir profondément et c’est sous ce prisme que j’ai choisi de partager sur les réseaux les chroniques de ma vie de tribu, sans fards et de la façon la plus authentique et vulnérable qu’il soit.

J’accompagne, avec mon Fabuleux, des aidants familiaux dans le cadre de coaching personnalisé mais également d’ateliers de sensibilisation au sein d’institutions. 

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