« La survenue du handicap impacte aussi la structure familiale. Les familles monoparentales sont plus nombreuses parmi celles comptant au moins un enfant en situation de handicap : 13% contre 9% chez les enfants de 4-6 ans, 21% contre 17% chez les 10-12 ans. 36% des parents séparés estiment d’ailleurs que le handicap a joué un rôle déterminant ou aggravant dans la séparation. »
C’est sur ces quelques lignes, extraites de cet article de Franck Seuret, journaliste éco-social et documentariste, spécialiste de la politique sociale du handicap, que je termine ma lecture du soir.
Je me sens, à l’instant, ambivalente dans mes émotions…
Dois-je me dire que nous revenons de loin mon Fabuleux et moi car, nous aussi, avons traversé cette vague de flou et de remise en question de notre couple et avons frôlé la séparation lors des premières années de vie de notre Lou ?
Dois-je me sentir chanceuse d’avoir toujours mon Fabuleux à mes côtés dans cette vie pas comme les autres avec ce sentiment de me dire que je ne suis pas moi-même meilleure que d’autres d’avoir trouvé notre équilibre ?
Je me suis dit à moi-même : ça a marché pour nous mais ça aurait pu en être tout autrement. J’en suis profondément consciente en lisant ces lignes qui, j’avoue, ce soir me donnent un peu froid dans le dos.
Et là, je pense à toutes ces mamans, ces papas qui traversent cette route et qui voient, en plus du handicap, de cette vie différente, leur monde, leur couple voler en éclats et qui se retrouvent à braver cela seul… Peut-être en fais-tu partie, chère Fabuleuse ?
Comment as-tu amorcé ou plutôt désamorcé cette bombe du diagnostic ?
Fais-tu partie de celles qui sont pleines de gratitude d’avoir encore une équipe pour courir cette course ou de celles qui mènent de front leur match, en capitaine, encaissant avec brio tous les coups sans partager la charge ?
Elles sont si nombreuses, ces mamans que je rencontre lors de mes ateliers, qui essayent tant bien que mal de sauver leur couple ou d’avancer cavalier seul ; les yeux brouillés de larmes, le cœur gros et ce poids de l’aidance pesant désormais sur leurs épaules. Chapeau bas…
Elles me demandent parfois, en thérapie : « Comment faire pour continuer ? On ne communique plus ! On se dispute constamment ! Cette annonce nous a tant changé ! » J’avoue être désemparée car il n’y a pas de formules toutes faites hélas… Tout le monde le saurait s’il y en avait une !
C’est un sujet si profond qu’il faudrait des heures pour en parler, pour en débattre, pour enrichir, pour approfondir.
Chère Fabuleuse, je vais tenter, au travers de ces lignes, d’aborder cette annonce sous l’angle du traumatisme.
Parce qu’apprendre qu’on devient aidant, c’est un peu ça, au fond : un traumatisme.
Ça nous tombe dessus, on ne s’y attendait pas du tout, le choc est rude, violent et nous laisse le souffle coupé. De profonds changements viennent bousculer notre dynamique familiale et il nous faut alors devenir maître dans l’art du jonglage !
Voici donc ce que je partage et discute avec les Fabuleuses que je rencontre en accompagnement sur ce sujet.
1- Le chaos de l’idéal brisé
Dans un couple, nous sommes deux entités distinctes avec tout un contexte différent, nous sommes constitués de façon différente — au niveau physique, émotionnel, etc. — avec des schémas de pensée différents.
Il est donc normal que nous n’allons pas, dans un couple traverser et encaisser ce choc, ce traumatisme, de la même façon.
Nous allons donc sur cette spirale de la douleur, passer plusieurs étapes : la perte, le déni, la culpabilité, la colère, etc. Je t’en parlerai plus en détail dans un prochain texte !
L’idéal s’est brisé. Il nous faudra donc, pas à pas apprendre à vivre avec, à découvrir les nouvelles portes qui s’ouvrent une fois celle-ci fermée. C’est difficile, ça prend du temps, mais c’est possible de naviguer dans les torrents.
Mon Fabuleux a dû faire le deuil de tout plein de projets qu’il avait à la naissance de notre Lou, tout comme moi. Puis, une deuxième fois pour notre Josh.
Alors j’ai essayé d’être à ses côtés du mieux que je pouvais pendant que je pleurais aussi sur mon deuil d’idéal à moi. Et vice-versa. Et quelle galère parfois… Quand la douleur te submerge tu n’as juste pas envie d’aller supporter celle de quelqu’un d’autre n’est-ce pas ? Exercice difficile, je dois bien l’avouer. Je n’ai pas été la meilleure là-dedans, c’est vrai, mais je vais te partager ce qui m’aide à progresser pas en pas sur ce chemin.
2- Chacun son chemin, passe le message à ton voisin
Chacun de nous doit apprendre à connaître et guérir ses émotions en soi-même avant toutes choses, à panser ses plaies. Chacun a une route et une façon de faire qui lui sera propre. Pour ma part, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai tenté de comparer les douleurs ou les façons d’appréhender les émotions différentes qui nous submergeaient mon Fabuleux et moi.
« Pourquoi n’est-il pas aussi anxieux que moi ? Il s’en fiche complètement en réalité ! Et puis là, il ne ressent rien ? »
Et vlan ! Nous voilà en colère que notre Fabuleux ne gère pas “comme nous” ou nous nous sentons coupable de ne pas gérer aussi bien que lui !
J’aime tellement cette phrase de Boris Cyrulnik : « Une personne résiliente comprend qu’elle est l’architecte de son bonheur et de son destin. »
Il y aurait tant à dire sur ce sujet, mais ce que j’ai compris et que j’apprends tous les jours…
… c’est que je construis ma propre maison, pas celle de mon Fabuleux !
Si je délaisse ma construction, ma maison restera toujours en chantier. Si j’utilise mes matériaux pour aller construire la maison de l’autre, ça ne fonctionnera peut-être pas du tout, je ne connais pas forcément ses plans !
J’ai mes aspirations, mes idées déco qui me sont personnelles, etc. Mais si ma maison et celle de mon Fabuleux sont toutes les deux joliment construites, ça deviendra un quartier agréable, beau à regarder et il fera doux pour s’y promener, en toute sécurité.
À mes yeux c’est comme ça que nous avançons mon Fabuleux et moi sur notre route de résilience : chacun fait du mieux qu’il peut avec le peu qu’il a pour se construire et, ensemble, nous bâtissons notre “quartier d’amour”. Il y a tellement à dire sur ce sujet ! Je continuerai une prochaine fois, avec des petits détails plus pragmatiques.