Enfants extraordinaires

Comment remplir le réservoir émotionnel de nos aidés ?

Brunella Maillot 12 février 2024
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Chère Fabuleuse,

Comme moi en ce moment, tu vois passer ces publicités qui te rappellent avec insistance que demain c’est la Saint-Valentin, l’occasion rêvée de montrer ton amour à l’être aimé. Un bijou par ci, un bouquet de fleurs par là et j’en passe… Pour ma part, je fais partie de celles qui se disent qu’il n’y a pas forcément besoin de jour spécial pour célébrer ceux que nous aimons et que chaque jour renferme en lui l’occasion de le leur montrer, et cela de façon intentionnelle. 

Toi qui me lis, tu es aidante : comme moi de tes enfants ou peut-être de ton conjoint, ta conjointe, de l’un de tes parents, d’un membre de ta famille, etc.

Peu importe ! Tu fais bel et bien partie de ces aidantes. 

J’aime souvent nous appeler les “aimantes”, celles qui prennent soin de leurs aimés… Je vais donc me plier au jeu de la Saint-Valentin avec toi, aujourd’hui : nous allons parler langages de l’amour, mais particulièrement envers nos aidés ! Cette expression des “langages de l’amour” nous vient du Dr Gary Chapman, anthropologue et conseiller conjugal. Il s’est donné pour mission d’aider les gens à identifier, comprendre et parler le langage de l’amour primaire de l’autre (que ce soit dans le couple, dans les relations parents/enfant, dans les relations amicales, au travail, mais aussi dans la relation entre l’aidant et son aidé). 

Nos aidés ont besoin de relation

Comme tu le sais, nos aidés ne devraient pas se sentir uniquement comme des « personnes dont on prend soin » car eux aussi ont besoin de relation… Nos journées ne devraient donc pas tourner uniquement autour des traitements, changes, prises en charge, repas, mais devraient être l’expression d’une relation aimante où moments de vie et marques d’affection s’intègrent pas à pas !

Ne pas s’enliser dans une prise en charge n’est pas toujours un exercice facile, n’est-ce pas ? Pour cette raison, bien différencier les temps de prise en charge (bain, repas, etc…) et les temps de qualité vécus sont extrêmement importants afin d’avoir un bel équilibre malgré notre magma quotidien. J’ai appris, pour ma part, à être intentionnelle dans le temps que je consacre à mes enfants. 

Avec mon Fabuleux, nous nous disons souvent que nous créons nos moments de bonheur et les capitalisons ! Eh oui, dans les familles comme les nôtres, il faut bien se l’avouer, nous avons des moments de “crises” plus souvent que la normale. Alors, un peu comme un compte bancaire, avoir une “épargne de moments de bonheur”, ça permet d’affronter les temps de crise différemment ! Il est donc important de remplir notre réservoir émotionnel mais aussi celui de notre aidé de façon intentionnelle. Et cela peut passer par ces fameux langages de l’amour dont parle Gary Chapman. 

Chaque personne parle un langage d’amour primaire auquel elle est plus sensible.

Quand on lui parle dans ce langage d’amour, la personne se sent aimée pour ce qu’elle est et son réservoir émotionnel est rempli. Le langage par lequel une personne exprime son amour n’est donc pas nécessairement celui de l’autre. 

Par exemple, ce n’est pas parce que tu aimes être encouragée que ce sera forcément le cas pour les autres. 

Nos aidés, peu importe la spécificité et la quantité de leurs besoins, sont avant tout des êtres humains, à part entière. Comme tout un chacun, ils ont donc besoin d’encouragements, d’interactions, de moments de qualité, etc. 

Et j’avoue que nous pouvons parfois avoir tendance à l’oublier…

J’ai entendu tant de fois ces phrases au cours de divers échanges menés lors d’ateliers : « C’est comme si elle n’est plus là, perdue dans sa bulle »

« Il a besoin d’être aimé? Pourtant il n’interagit jamais, je n’y comprends rien ! »

Chère Fabuleuse, lorsqu’on ne peut pas (ou plus) parler, le désir de “communiquer” et le besoin d’être apprécié n’en sont pas moins présents et nécessaires. 

Il est donc important d’arriver de plus en plus à discerner et décoder le langage d’amour de notre aidé, avec patience, observation, persévérance et attention. Cela contribue à développer une relation belle et forte avec lui, tout en remplissant son réservoir émotionnel (et le nôtre en même temps…).

Les langages de l’amour sont un vaste sujet que je ne peux ici qu’esquisser. D’autant plus dans le cas de l’aidance, puisque des tas de paramètres entrent en jeu : le toucher physique qui peut agresser certains de nos aidés, les mots d’affection qu’ils n’entendront pas, les cadeaux dont certains ne pourront profiter, etc.

Alors, je t’encourage à piocher ce qui peut te parler ici, et surtout à garder ces deux piliers avec toi :

  • Aimer
  • Le montrer de façon intentionnelle

Je vais tout de même te proposer des pistes pour chacun des 5 langages, adaptées à nos aidés et à notre quotidien pas comme les autres. 

1. Aimer ton aidé avec des paroles d’encouragement 

Des mots simples, prononcés ou affichés sur un mur d’encouragement peuvent être un excellent moyen de remplir le réservoir émotionnel de nos aidés. Par exemple, une petite fille atteinte d’autisme se sentira extrêmement appréciée lorsque sa maman va lui murmurer : « Je t’aime quand tu es calme mais je t’aime aussi quand c’est compliqué pour toi au niveau émotionnel. » Un « Je crois en toi, tu vas y arriver! » ou un « Bravo ! » scandés durant la séance de psychomotricité peuvent avoir l’effet d’une standing ovation dans les cœurs de nos aidés. Un petit mot d’encouragement glissé dans le cartable de ton enfant qu’il découvrira en s’asseyant à sa salle de classe lui mettra du soleil dans le cœur, c’est certain ! Tu comprends l’idée ? Cherche à trouver le mot qui va fortifier, encourager, booster… 

2.  Aimer ton aidé en offrant du temps de qualité

Passer du temps de qualité avec ton aidé peut aussi grandement le faire sentir aimé et apprécié. Je ne compte plus le nombre de fois où ma petite Lou-Anne garde un sourire sur son visage durant de longues minutes juste parce qu’elle est blottie dans mes bras. Avoir Joshua à mes côtés alors que je pâtisse avec Raphaël et qu’il sent les odeurs qui émanent de la cuisine fait de ce temps de qualité un coup boost pour son réservoir émotionnel. 

Faire une balade en fauteuil roulant avec ta maman dans le jardin de la maison de retraite, tenir la main de ton papa paralysé devant un bon film, sont tout autant de petits gestes d’amour concret qui peuvent remplir leur réservoir… 

Le temps de qualité nous apprend aussi à mettre pause sur le rythme effréné de notre quotidien. Ce qui est précieux avec le temps, c’est qu’une fois qu’il est offert, tu ne peux plus le récupérer. Personnellement, je trouve que cela accorde d’autant plus de valeur à ces moments… 

3.  Aimer ton aidé par des cadeaux 

Tout le monde aime recevoir des cadeaux, n’est-ce pas ? Mais il faut bien l’admettre, certains l’apprécient encore plus que d’autres ! Un indice : si tu aimes recevoir des colis/cadeaux dans ta boîte aux lettres, c’est certainement que c’est là un de tes langages ! 

Ainsi, certains de nos aidés seront immensément remplis de joie rien qu’en ouvrant les papiers cadeaux, sans se soucier une seule seconde du présent à l’intérieur ! Alors pourquoi ne pas emballer plein de petites surprises afin de lui donner une multitude de petits instants de bonheur ? D’autres sont fascinés par les collections de toutes sortes ! Alors, offrir des cartes par ci ou des poupées par là, cela viendra remplir de façon radicale leur réservoir émotionnel. (Et qui est plutôt sympa c’est que tous les membres de la famille peuvent jouer le jeu en contribuant également à l’agrandissement de la collection ! )

4. Aimer ton aidé par des actes de service

Là, je t’entends déjà me dire : « Moi, suis déjà au taquet en tant qu’aidante dans ce domaine » Oui… Mais non. 

En effet, je parle ici de montrer son affection de façon intentionnelle, ce qui n’a rien à voir avec la prise en charge. C’est pour cela que, même si la limite est très fine, il nous faut apprendre à la différencier. 

Certaines personnes se sentent aimées lorsque nous leur rendons service et il est vrai qu’être aidante nous fait déjà tenir ce rôle. Effectivement, nos aidés, de ce fait, se sentiront déjà bien soutenus et aimés si c’est leur langage d’amour. Toutefois, voici quelques autres petites pistes à explorer :

  • Si ton aidé apprécie danser et que tu l’aides à danser, pourquoi ne pas passer du bon temps avec lui ? Ainsi, tu ne fais pas que l’aider uniquement en lui rendant service, tu agrémentes ce temps de rire, de joie et de bonne humeur et tu lui transmets ton amour en le faisant !  
  • Si ton aidé a beaucoup de mal à gérer ses émotions durant une crise, tu ranges les choses qu’il peut casser durant son bain, tu mets les vêtements propres à l’écart afin qu’il ne les mouille pas. Puis, une fois apaisé, tu lui expliques pourquoi tu l’as fait : tu souhaites qu’il ait des vêtements secs et propres pour aller à sa prise en charge. Ainsi, une fois qu’il a processé, il comprend que non seulement tu l’as aidé, mais qu’en plus, par ton acte de service, tu as pourvu à un endroit sécurisant et contenant.

5. Aimer ton aidé par le toucher physique 

Chez nombre de nos aidés, les troubles sensori-moteurs peuvent parfois être envahissants. Toutefois, beaucoup d’entre eux apprécient également le fait d’être touchés, contenus… Alors pourquoi s’en priver si ton aidé apprécie ce langage d’amour ? 

Lorsque nous arrivons dans un endroit où il y a beaucoup de monde, j’ai souvent tendance à caresser les cheveux de mon Joshua ou à tenir la main de ma Lou-Anne afin de les apaiser.

Dans notre cas, ce simple geste vient apaiser radicalement les mouvements stéréotypés de stress. Dans d’autres cas, cela peut être une pression sur les épaules, le fait d’être dans les bras. Peu importe, l’idée ici est que notre aidé se sente en sécurité et dans le plus bel endroit du monde pour lui, sous notre affection… 

Il y plein d’autres petites idées — les couvertures lestées, les petits objets de massage, les tapotements, les rouleaux vibrants, les coussins chauffants, etc. — qui procurent ce sentiment de bien-être et de détente à nos aidés, surtout si ce langage d’amour est le leur ! 

Voilà quelques grandes lignes, tu n’as plus qu’à laisser fourmiller tes idées et surtout à continuer à observer avec attention et patience afin de déployer le langage d’amour qui convient le plus à ton aidé… 

Chère Fabuleuse,

Je te souhaite une douce Saint-Valentin avec les tiens. Que l’amour soit manifesté au sein de votre foyer. Certes, pas comme les autres familles mais à notre manière à nous, nous avons aussi la capacité d’aimer et de le démontrer. Je te laisse sur cette jolie citation que j’affectionne beaucoup : « L’amour est le langage qu’un sourd peut entendre et qu’un aveugle peut voir. » Mark Twain 



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Cet article a été écrit par :
Brunella Maillot

Thérapeute familiale et conjugale, je suis maman de trois enfants, dont un en bas âge et deux qui sont polyhandicapés. Mon quotidien est donc rythmé par une cadence intense : jongler entre école à la maison pour mon benjamin, prise en charge thérapeutique et dépendance totale de mes aînés pour les actes de leur vie quotidienne. 

La gratitude est pour moi une valeur à chérir profondément et c’est sous ce prisme que j’ai choisi de partager sur les réseaux les chroniques de ma vie de tribu, sans fards et de la façon la plus authentique et vulnérable qu’il soit.

J’accompagne, avec mon Fabuleux, des aidants familiaux dans le cadre de coaching personnalisé mais également d’ateliers de sensibilisation au sein d’institutions. 

Ma page perso : https://www.facebook.com/notredoucetribu/ - https://www.instagram.com/notredoucetribu/

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