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Enfants extraordinaires

Combler nos besoins, mission vraiment (im)possible ?

Laure Japiot-Gouesse 30 janvier 2023
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« Prends soin de tes besoins » 

Voici un conseil que nous entendons souvent, chez les Fabuleuses et ailleurs. Oui, mais comment ? Et de quoi avons-nous réellement besoin d’ailleurs ? De repos, de rire, d’un mojito entre copines, d’une balade en bord de mer… ? Haha (rire jaune), mais bien sûr, c’est tellement simple à glisser dans nos agendas surchargés ! Pourquoi donc ne le faisons-nous pas ?

Chère Fabuleuse, avant de t’agacer devant des injonctions irréalistes,

je te propose un mini détour par le dictionnaire. Selon le Larousse, un besoin est une « exigence née d’un sentiment de manque, de privation de quelque chose qui est nécessaire à la vie organique ». Nous parlons donc d’ « exigences nécessaires » ! Alors certes, il existe différentes catégories de besoins, plus ou moins vitaux – quoique je te soupçonne de croire parfois que ton sommeil n’est pas vital… Mais il est certain que la façon dont nos différents besoins sont comblés – ou pas – influe directement sur notre bien-être, notre motivation et notre épanouissement. 

Le psychologue spécialiste de ce sujet, Abraham Maslow, répertorie notamment les besoins physiologiques (manger, boire, dormir…), les besoins de protection et de sécurité (avoir un abri, des ressources, se sentir en sécurité physique, être en bonne santé…), les besoins d’intégration sociale (aimer, être aimé, avoir des amis, appartenir à un groupe…), les besoins d’estime (se sentir respecté par soi et par l’autre, recevoir de la reconnaissance, avoir de l’autonomie, avoir des opinions, pouvoir exprimer ses idées…) et les besoins d’accomplissement (apprendre, se former, créer, contribuer, philosopher…). Tout manque ressenti dans un ou plusieurs de ces domaines génère des émotions désagréables (peur, colère, tristesse…) qui, si elles s’intensifient, mènent à l’anxiété chronique, à l’agressivité latente, au repli sur soi – voire à la dépression ou au burn-out.

Tu l’as compris, veiller à combler nos besoins n’est donc pas un luxe

mais une question de survie mentale et physique. Mais comme le remarque la coach Sylvaine Pascual, « le problème, c’est que nous avons quelquefois une inclination genre pente glissante à attendre le passage du Père Noël, pour qu’il satisfasse nos besoins à notre place ». En d’autres termes, nous espérons souvent secrètement que notre entourage – ou l’Univers – va deviner ce qui nous manque (et que nous n’avons même pas forcément identifié nous-mêmes) et nous l’apporter sur un plateau.

Spoiler alert : ça ne fonctionne pas… 

Quelques exemples, au hasard : avoir un besoin urgent de sieste en espérant que tes enfants te laissent miraculeusement tranquille 30 minutes ; attendre que tes amies devinent que tu n’es pas en forme et que tu as besoin de leur soutien ; rêver dans ton for intérieur d’un job sur-mesure qui tiendrait vraiment compte de ton parcours et de tes contraintes… Je te rassure, nous avons toutes ce genre de pensées magiques et parfois, c’est vrai, ça marche. Mais la plupart du temps, tu conviendras qu’on se retrouve frustrée et furieuse que les choses ne se passent pas naturellement selon nos envies.

Alors comment faire pour que ces fichus besoins soient pris en considération,

sachant que la vie d’aidante donne bien peu de latitude pour s’occuper de soi ? Une piste pourrait être d’apprendre à distinguer nos besoins de nos désirs, que l’on confond souvent. En réalité, nos désirs sont des moyens spécifiques de satisfaire nos besoins. Ce sont nos “stratégies préférées” parmi la multitude de façons qu’il existerait de répondre à nos manques. Par exemple, avoir envie d’une soirée mojito entre copines peut traduire aussi bien un besoin de détente physique que d’intégration sociale. Il s’agit évidemment d’une manière très agréable de répondre à ces deux besoins, mais si tu gardes en tête que d’autres stratégies sont possibles pour combler ces manques, le sentiment d’insatisfaction sera moins nourri. Cette prise de conscience permet en effet de ré-élargir la palette d’actions possibles

pour combler le besoin profond masqué par cette envie spécifique.

De la même manière, lorsque l’école ou le club de foot refuse d’accepter les différences de mon enfant, mon besoin d’intégration et d’appartenance est mis à mal. Je peux alors avoir l’impression que mon enfant ne sera JAMAIS accepté nulle part et ce sentiment de rejet peut être réellement insupportable. Ainsi, ce qui apparaît en filigrane, c’est un besoin bien légitime d’une meilleure inclusion de la différence dans notre société. Dès lors, le professeur ou directeur indélicat ne devient qu’un acteur parmi d’autres et ne mérite sans doute pas que je me désespère sur son cas. Si j’élargis mon focus, cela libère mon énergie pour chercher d’autres ressources afin d’œuvrer dans la direction qui m’importe.

Comme le résume le blog « Apprentie girafe », « dès lors que j’ai conscience que mes besoins et comment les satisfaire sont deux choses distinctes, j’entre dans un autre monde. Ce monde-là est une abondance illimitée car à chaque instant je peux faire le choix d’accueillir mes besoins et je peux faire des demandes à l’infini pour recevoir du soutien pour en prendre soin. Si une stratégie n’est pas disponible, il y a en a d’autres. Si je n’en trouve pas, je peux demander de l’aide pour en trouver. »

Voilà chère Fabuleuse, j’espère que ces quelques réflexions pourront t’aider à cheminer vers une meilleure identification de tes besoins et vers une ouverture à un plus large éventail de ressources pour en prendre soin. Pour ma part, je trouve cet éclairage assez inspirant car il permet de reprendre un peu la main sur nos choix, plutôt que de rester bloquées sur les contraintes qui nous sont imposées. En somme, il s’agit de concentrer notre attention sur notre part de liberté et de responsabilité. Certes, ce n’est pas une démarche simple ni confortable et nous n’en avons pas toujours l’énergie. Mais c’est une intention qui vaut la peine d’être gardée comme ligne d’horizon !



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Cet article a été écrit par :
Laure Japiot-Gouesse

Laure est psychologue, ex-journaliste et maman de trois garçons, dont l'aîné est « atypique » (haut potentiel et hypersensible). Elle est rédactrice pour les Fabuleuses aidantes.

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