Enfants extraordinaires

Clotilde Jenoudet, tisseuse de liens

Claire Guigou 20 décembre 2021
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Près d’une fois par mois, Clotilde et son association Prête-moi tes ailes proposent aux familles ayant un enfant atteint de handicap de se retrouver pour un après-midi convivial. L’occasion pour elles d’oublier ne serait-ce que quelques heures leurs difficultés.

Clotilde, qui êtes-vous ?

Je suis la maman de deux petits garçons : Baptiste, huit ans et demi, et Antony, sept ans. Baptiste a une trisomie 21. À côté de cela, je travaille dans la communication et la culture.

Comment avez-vous découvert le handicap de Baptiste ?

Nous avons su qu’il y avait une suspicion de trisomie en salle d’accouchement grâce aux tests habituels que l’on fait passer aux nourrissons. Les médecins ont très vite compris de quoi il s’agissait. Baptiste était très hypotonique, et, au niveau du visage, il avait certaines caractéristiques de la trisomie. Nous avons eu la confirmation trois jours après qu’il était en effet porteur de ce handicap.

Il y a deux ans, vous avez créé une association qui s’appelle Prête-moi tes ailes. Quel est son but ?

L’objectif de Prête-moi tes ailes est d’organiser des rencontres avec des familles ayant un enfant handicapé lors d’après-midi le week-end. Il s’agit de créer de vrais moments familiaux durant lesquels on oublie les difficultés liées au handicap. À cette occasion, on pousse les familles à venir avec les fratries complètes, les grands-parents s’il y en a, les oncles et tantes, les cousins… L’idée est d’associer des bons moments au handicap. Nous proposons aux adultes de se détendre, et, pendant ce temps, les enfants font un peu de danse, du dessin ou des jeux. Ils sont pris en charge par des bénévoles. Dans notre association, nous avons beaucoup d’enfants porteurs de trisomie 21 et quelques-uns qui ont des troubles du spectre autistique. Nous souhaitons rester sur ces troubles pour ne pas créer trop d’écarts entre les familles.

Pourquoi avoir lancé cette initiative ?

Après la naissance de Baptiste, je me suis retrouvée très seule. Assez vite, avec mon conjoint, j’ai cherché de l’aide auprès d’une association lyonnaise. La présidente est venue nous voir et nous a confiés des choses très importantes qui nous ont beaucoup aidés. Toutefois, nous ne sommes pas allés dans son association parce qu’il n’y avait que des jeunes adultes. Nous n’étions pas prêts à être confrontés directement à cette réalité-là.

Je suis donc allée dans des groupes de parents sur les réseaux sociaux, ce qui m’a permis de discuter avec des familles ayant des enfants plus jeunes. Je me suis alors rendue compte que ces familles avaient envie de se rencontrer et nous avons eu cette envie d’organiser de véritables cousinades avec des enfants qui courent partout, à soixante ou plus autour d’un café ou une bière selon l’heure.

Un tel format permet de rencontrer des gens et de créer des affinités avec certains. L’idée, c’est que les parents retrouvent les parents, les frères et sœurs retrouvent les frères et sœurs et ainsi de suite. C’est aussi une occasion pour les enfants avec handicap de se voir car ils sont rarement entre eux. Même s’il est bon qu’ils soient inclus dans la société et à l’école, il est important que dès tout petit, ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. Quant aux frères et sœurs, ils ont aussi besoin d’être entourés.

Comment ces rencontres vous nourrissent-elles  ?

On vit plein de choses ! Ce sont d’abord des moments très agréables car on rigole beaucoup, cela change vraiment les idées. Et puis, le fait de se retrouver entre parents qui ont les mêmes problématiques et défis est vraiment sympa car nous sommes plus libres de parler. On peut dire des choses qu’on ne dirait pas à d’autres parents par exemple. Cela permet de libérer la pression. On partage aussi des bons plans, les galères qui nous sont arrivées. Il nous arrive parfois d’en rire ! J’adore côtoyer tous ces enfants, ceux avec handicap ou leurs frères et sœurs. Nous les voyons grandir car de nombreuses familles reviennent. Cela me permet de me rendre compte que ces enfants sont tous différents, qu’ils ont de grandes difficultés mais aussi de grandes facultés.

En tant que maman d’un enfant handicapé, vous êtes aussi une « aidante ». Quel équilibre avez-vous mis en place pour ne pas vous laisser submerger par ce rôle ?

Pour être franche, cette question est compliquée… Je suis depuis peu accompagnée par un psychologue qui m’aide beaucoup à lâcher prise. J’ai également une amie sophrologue avec des enfants en situation de handicap avec qui j’échange beaucoup. Je crois que ce qui me permet de garder un équilibre émotionnel, c’est d’avoir trouvé des personnes avec qui je peux parler complètement librement. Avec elles, je peux vider mon sac sans qu’elles essaient de me trouver des solutions ou des conseils.

Ce qui est compliqué pour moi, c’est de me retrouver avec plein de propositions de solutions pour aider Baptiste et de me laisser envahir. J’ai donc décidé de ne plus me laisser submerger par tout ce que je “devrais” faire et de faire déjà ce que je “peux” faire pour aider mes enfants. C’est ce qui me permet de tenir.

Vous avez lancé une exposition photo mettant en valeur des jeunes porteurs de trisomie 21. La beauté semble être une des valeurs de votre association. Pourquoi ?

On associe beaucoup trop au handicap une image désuète, vieille et complètement fausse par rapport à la réalité. Par exemple, en ce qui concerne la trisomie 21, on s’imagine souvent de très petites personnes un peu grosses en survêtement, avec le ventre qui sort et la langue qui pend. Cette vilaine perception du handicap, j’essaie de la changer car l’image a une place très importante dans la société d’aujourd’hui. Elle donne ou non envie aux personnes d’aller se renseigner. Donner quelque chose de beau va peut-être permettre à certaines personnes d’aller plus loin, d’approcher cette réalité qui recouvre de belles choses.

Quels conseils donneriez-vous à une maman qui a un enfant atteint de handicap ?

Si je m’adresse à une maman qui vient d’apprendre le handicap de son enfant, je pense que mon premier conseil serait qu’elle se laisse le droit d’être triste. Qu’elle se laisse le temps de passer cette colère et cette tristesse. C’est une étape vraiment importante pour pouvoir avancer. Une période normale. Cela ne sert à rien de la nier. Il vaut mieux faire cette étape de deuil tout de suite plutôt que de vouloir l’enfermer, même si cela prend du temps. Il n’y a pas de honte à être triste, cela ne veut pas dire qu’on n’aime pas notre enfant. Il ne faut surtout pas s’oublier, continuer les activités que l’on aime, les sorties entre copines et impliquer tout de suite les papas à fond pour qu’ils prennent le relais. Nos enfants ont besoin de mamans épanouies. C’est après avoir accepté cette réalité que l’on peut vivre pleinement toutes les choses positives que nos enfants nous réservent ! 



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Cet article a été écrit par :
Claire Guigou

Journaliste, collaboratrice pour les Fabuleuses aidantes

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