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Enfants extraordinaires

Aidante, mais pas seulement !

Brunella Maillot 4 décembre 2023
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Chère Fabuleuse, 

Voici une phrase pas franchement drôle que m’a lancée un jour une amie : « Je mets chaque année une boule avec l’année correspondante sur le sapin, ainsi quand ils quitteront la maison, qu’ils seront certainement dans un autre pays avec leur propre famille, mon mari et moi aurons toutes leurs petites décorations de Noël et nous pleurerons en repensant à ces moments. » 

C’est d’ailleurs sur cette phrase “enjouée” et “pleine d’espoir” que nous avons commencé la décoration du sapin de Noël de mon amie alors que j’allais moi même célébrer mon premier Noël en tant que maman. 

Ça alors ! « Quelle drôle de façon d’appréhender le bonheur », ai-je pensé à cet instant. Est-ce donc ça être maman ? J’avoue que l’idée de customiser les décorations est fort sympathique. Toutefois, emmagasiner une quarantaine de petites décorations tout au long des années et se retrouver, au bout d’une vingtaine d’années avec un immense sac poussiéreux sur lequel poser Sucre d’Orge et Casse-Noisette, les larmes plein les joues, non merci !

Pourquoi est-ce que je te raconte cela aujourd’hui ?

Car je m’aperçois que nous pouvons vivre le même genre de situations dans notre quotidien d’aidantes.

J’ai choisi de te partager l’histoire de cette amie car le constat était simple à mes yeux : elle devenait maman, ça engloutissait alors tout ce qu’elle était (la jeune femme, l’épouse, etc.) mais lorsque ce qui faisait sa “fonction” allait cesser, elle s’effondrerait en même temps tel un château de cartes.

Cela ne te fait-il pas penser à un parallèle avec une autre situation, chère Fabuleuse ? Pour nombre d’entre nous, nous devenons aidantes et nous enlisons dans un quotidien intense et souvent très rythmé.

Nous ne prenons plus de temps pour nous, nous faisons frénétiquement, mécaniquement et oublions, de ce fait, qui nous sommes. On se perd, on s’oublie dans les méandres de l’aidance. Hélas, lorsque la situation cesse (aidé en voie de guérison, changement de quotidien, départ en structure, décès, etc.) le vide de l’action vient nous happer et nous fragiliser. 

Nous ne savons plus qui nous sommes et nous retrouvons là, bredouilles, avec Casse-Noisette et Sucre d’orge nous faisant un sacré pied de nez. 

Chère Fabuleuse, 

Toi qui me lis, est-ce que tu t’es perdue dans ce magma de l’aidance ? Je tiens à te rassurer, c’est un processus tout à fait normal, peu connu et pourtant, il mérite qu’on s’y arrête un tout petit peu. C’est un peu comme une route que nous prenons sans prendre garde alors qu’il y avait un tout petit panneau indicateur bien caché. Je vais te parler de ce virage : celui que l’on appelle la “divergence d’identité”. 

Ce carrefour se présente à nous de diverses façons, lorsque pour ma part, je cesse de me considérer comme une maman mais me perçois plus comme une aidante, lorsque pour certaines Fabuleuses, vous devenez plus soignantes qu’épouses, lorsque pour la première fois certaines ont dû donner le bain à leur belle-maman, leur conjoint, etc. 

C’est là que se trouve le carrefour du conflit, conflit entre la façon dont on se perçoit et les tâches et responsabilités qui nous incombent désormais. 

Tu comprends l’idée ?

Et évidemment, personne ne nous a jamais parlé de ce fichu carrefour ! D’ailleurs, pourquoi ce panneau est-il si mal indiqué ? Sache que nous allons toutes, à un moment ou à un autre, glisser sur cette pente et nul n’est à l’abri. Alors aujourd’hui, je t’écris ces quelques lignes en guise de panneau indicateur.

Le rôle d’aidante s’est imposé à toi, certes. Il est vrai qu’à mesure que les exigences en matière de prestation de soins augmentent, nous pouvons toutes arriver à ce carrefour de “divergence d’identité”  et glisser insidieusement vers le fait que notre casquette d’aidante finit par dominer toutes nos autres casquettes. 

Cependant, être aidante n’est qu’une part de qui nous sommes. 

Nous pouvons faire le parallèle ainsi : une personne accro au travail sera guidée par ses ambitions professionnelles, aux dépens de sa vie familiale, relationnelle, amicale, sociale, etc. Le jour où celle-ci perd son travail c’est tout son monde qui s’effondre. 

Tu comprends l’idée ? Eh bien, être aidante c’est un peu tout cela. Oui, nous sommes aidantes mais pas seulement… 

J’aimerais partager avec toi quelques réflexions (je pense qu’elles vont peut-être te remuer mais j’espère qu’elles pourront t’être d’une aide précieuse). 

#1 Nous anesthésions notre douleur

En réalité, ce n’est pas le silence (la fin de ce quotidien d’aidance, la diminution des prises en charge, etc.) qui me fragilise mais la multitude d’activités qui m’a empêchée de voir ma fragilité et donc de prendre du temps afin de panser mes blessures. Tu sais, c’est ce fameux concept de vulnérabilité dont nous parlons souvent avec Anna chez les Fabuleuses aidantes. Nous anesthésions notre douleur en nous affairons frénétiquement, tentant de l’oublier, de ne pas y penser. Et puis dans cette pause, dans ce moment de silence, la douleur est là et nous happe… 

#2 « Prendre soin de moi n’est pas égoïste mais essentiel »

C’est une des phrases que je me répète souvent. C’est à partir de qui nous sommes que nous posons nos actions, non l’inverse. Sinon, lorsque ce que tu fais s’arrête, c’est toute ton identité qui est ébranlée. Le burn-out arrive lorsque tu t’es empêchée, pendant trop longtemps, d’être humaine, d’être toi tout simplement… 

#3 Maintenir une harmonie entre les différentes sphères de nos vies

Nous ne devrions pas nous laisser absorber par notre rôle d’aidante mais maintenir autant que possible une harmonie dans tous les domaines de nos vies (amical, social, professionnel, personnel, etc.). C’est ainsi que nous pouvons avancer sereinement, au gré des flots de nos vies. À ce propos, si tu ne l’as pas encore fait, je t’encourage à suivre le programme « Stop à l’épuisement » que nous t’avions concocté avec Anna qui t’apportera aussi tout plein de jolis outils en ce sens.

Tu l’as donc bien compris ma chère Fabuleuse, ce carrefour, nous y faisons toutes face à un moment de notre vie.

Mais nous pouvons éviter de nous engager sur cette pente glissante si, de façon intentionnelle, nous mettons en place de petites choses qui nous font garder en tête qu’être aidante n’est qu’une part de notre vie mais qu’il y a également plein d’autres rôles tout aussi importants.

Oui, je suis aidante, mais pas seulement… 

Oui, je remplis à merveille mon rôle d’aidante, mais toutes ces actions, ces fonctions, ne définissent pas qui je suis : une femme avec des rêves, une vie de famille, des relations, des projets, des choses que j’apprécie, d’autres pas, des qualités, des défauts. Mon identité repose sur tout cela, pas sur un seul et unique rôle.


Et surtout, comme te le rappelle souvent Anna, n’oublie pas : « Tu es fabuleuse et ça, ça change tout ! »



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Cet article a été écrit par :
Brunella Maillot

Thérapeute familiale et conjugale, je suis maman de trois enfants, dont un en bas âge et deux qui sont polyhandicapés. Mon quotidien est donc rythmé par une cadence intense : jongler entre école à la maison pour mon benjamin, prise en charge thérapeutique et dépendance totale de mes aînés pour les actes de leur vie quotidienne. 

La gratitude est pour moi une valeur à chérir profondément et c’est sous ce prisme que j’ai choisi de partager sur les réseaux les chroniques de ma vie de tribu, sans fards et de la façon la plus authentique et vulnérable qu’il soit.

J’accompagne, avec mon Fabuleux, des aidants familiaux dans le cadre de coaching personnalisé mais également d’ateliers de sensibilisation au sein d’institutions. 

Ma page perso : https://www.facebook.com/notredoucetribu/ - https://www.instagram.com/notredoucetribu/

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