J’ai en tête cette image d’une balle que l’on envoie contre un mur. Vous la lancez et elle revient toujours vers vous. Que vous la lanciez fort ou pas, son aspect ne change pas. Elle reste indemne, identique.
Pourquoi une balle ?
Tout simplement parce qu’elle a une résilience que j’aimerais avoir. Elle a la capacité de surmonter les chocs traumatiques, sans que son apparence ne se modifie.
J’aimerais parfois être comme cette balle. Toujours rebondir, quelles que soient les circonstances.
Mais je ne suis pas comme elle, j’ai des sentiments, des inquiétudes, je suis humaine et surtout je suis maman.
Depuis plus de six ans, nous sommes dans un parcours de soins pour notre première fille, aînée d’une fratrie de trois enfants, atteinte d’une maladie génétique. Maladie génétique : un grand mot pour beaucoup de pathologies pour son cas et son âge. Dans le cadre de son suivi médical, nous faisons régulièrement des allers-retours à l’hôpital pour rencontrer différents spécialistes et y faire une multitude d’examens qui nous laissent souvent dans le vague, avec des explications parfois complexes, parfois incompréhensibles, parfois contradictoires entre médecins…
Durant toute l’année 2018, nous avons traversé une tempête nécessitant un protocole assez lourd pendant 48 semaines : une chimiothérapie avec injection hebdomadaire et chaque jour, prise de médicaments à heures fixes. Cette année fut si particulière dans mon rôle de maman pour accompagner du mieux possible notre fille aînée avec mon mari.
Je découvrais, alors, une nouvelle facette du rôle de parent.
J’ai été chamboulée à bien des reprises, envahie par les les questions, les doutes, les ascenseurs émotionnels (une discipline qui est devenu nôtre ces dernières années), mais aussi spectatrice de la résilience de notre fille qui nous mettait bien des claques, tant elle était courageuse et combattante, quand de mon côté je me sentais plus faible qu’elle.
Et, comme le dit un ami dans une de ses chansons, j’ai « laissé couler les larmes, laissé derrière ce drame, rassemblé toute les armes, pour aller de l’avant » (Album Danser sous la grisaille, Le daron).
Ma balle a rebondi plusieurs fois pendant cette période.
Et maintenant…
Nous arrivons aux deux ans d’échéance après la fin de la chimio. C’est une période charnière, nécessitant un grand nombre d’examens approfondis, et ces derniers jours la conclusion — plutôt positive – est tombée : la situation est stable. Je devrais me réjouir ! Tout le monde se réjouit pour cette bonne nouvelle : nos familles et belles familles, nos amis sont heureux et encourageants. Ils sont reconnaissants.
Mais je n’y arrive pas.
Pourquoi je n’arrive pas à rebondir ? Car il y a toujours un après. Son dernier examen est stable, mais un autre doit être fait pour lever un doute sur une autre complication.
Je n’ai pas envie de faire ce nouvel examen, de prendre rendez-vous, d’expliquer encore la situation pour la énième fois. Je me raisonne : nous devons avoir des réponses, je le lui dois, je ne peux pas lâcher ma fille. Je ne peux pas la laisser seule face à cela, seule avec ses incertitudes, elle aussi doit avancer.
Alors je rebondis, difficilement, mais j’y arrive :
- avec l’aide d’une amie qui vit des situations similaires et qui comprend,
- avec mon mari qui me prend dans ses bras et qui gère des rendez-vous, quand tout semble trop lourd et que je suis fatiguée.
Je rebondis. Je rebondis, car ces derniers ne me jugent pas, ils me comprennent et m’écoutent, je me sens portée. Le lien qui se crée avec ceux qui traversent les mêmes doutes, les mêmes situations, les mêmes périodes de flou ou encore les mêmes peurs, est un lien particulier pour moi.
Nous avons besoin des autres pour avancer.
Je suis reconnaissante et j’ai espoir en l’avenir car je sais qu’il y aura sûrement des temps un peu plus calmes.
Alors je cherche et je puise dans ce qui me permettra d’aller de l’avant, j’essaye de regarder avec espoir vers un avenir même s’il est incertain. J’avance. Pas toujours très vite et avec parfois l’impression d’être au point mort. Mais j’apprends avec le temps que c’est une période où ma balle ne peut pas rebondir comme je le voudrais et qu’il faut que je l’accepte pour pouvoir avancer.
Ce mot « résilience » que ma fille m’a appris, commence finalement à me parler pour moi-même. Je commence à prendre les situations telles qu’elles se présentent…
…et quand j’y arrive, je m’aperçois que cela est plus vivable.
Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse aidante, Anne-Sophie Degroote, fondatrice du site Porteuses d’espoir.