Il y a quelques jours, je tentais de démêler une ficelle en tirant dessus.
Je n’ai réussi qu’à resserrer les nœuds et rendre le travail plus difficile. J’ai commencé à m’énerver. Pour m’en sortir, je n’avais qu’une solution : agir avec douceur en prenant en compte chaque portion de lien, attentive à adapter mon geste à la réalité du nœud. Celui-ci s’est défait, j’ai pu utiliser la ficelle. Cadeau supplémentaire : j’avais retrouvé du calme et la satisfaction de mener à bien ce que je m’étais fixé de faire.
J’agis parfois comme cela avec mon fils :
il ne comprend pas toujours ce que je lui demande et donc s’énerve et se crispe. En retour je m’énerve aussi, devient cassante et me retrouve dans une impasse. Je dois renoncer à ce fonctionnement voué à l’échec pour choisir de me mettre avec douceur à son écoute et m’adapter à sa réalité pour qu’il comprenne ce qu’il doit faire.
Intérieurement, c’est un véritable revirement de situation. Je choisis pour un moment de quitter l’énervement, l’empressement, l’impatience pour contacter mes ressources de douceur et essayer de les déployer.
Facile à écrire, mais pas toujours à faire !
L’exemple de la ficelle est plus simple à appliquer que celui de mon aidé quelle que soit sa pathologie ou sa spécificité et surtout quand je suis fatiguée.
Quitter mon énervement est difficile.
C’est une énergie qui m’envahit, prend toute la place et a besoin de s’évacuer afin que je retrouve un peu de paix. Une fois que j’ai pris conscience de la présence de cette boule d’exaspération en moi, deux scénarios sont possibles pour sortir cette colère :
- réagir en laissant l’énervement s’exprimer : mon fils en fera les frais et je risque après de culpabiliser, de me sentir une mauvaise mère…
- revenir aux sensations de mon corps (ma respiration, mes appuis) et choisir de répondre en mettant de côté pour quelques instants l’énervement. Puis trouver un moyen « correct » de faire sortir cette exaspération qui me brûle en allant marcher, faire de grandes respirations, écrire, pleurer…
Restreindre la place donnée à l’énervement et faire venir de la douceur demande de la volonté et de l’entraînement.
Une fois qu’on y a goûté, le reproduire devient plus facile.
Je t’invite chère Fabuleuse à observer et expérimenter les bienfaits de la douceur.
Qu’est-ce que la douceur ?
C’est un art de vivre, une subtilité dans les rapports à l’autre : une présence attentive, une compréhension de sa vulnérabilité et une adaptation à ce qu’il vit. La douceur permet que la relation se passe sans brusquerie et sans tension. Elle est faite de délicatesse et d’attention à la réalité de l’autre et oblige à se décentrer de soi.
C’est une pratique qui demande du courage car elle va à contre-courant de « l’efficacité à tout prix » et de notre volonté de parfois imposer notre rythme. C’est une forme de résistance active à la pression intérieure de la colère pour rester respectueuse et attentive à l’autre.
C’est aussi une notion très concrète, absolument pas « bisounours », tout le contraire de la fadeur ou la sensiblerie : rien à voir avec la publicité pour une lessive.
Ce n’est pas la lenteur que le mot « doucement » peut évoquer dans certain cas. C’est une qualité d’être.
C’est une force de transformation pour ta personne et pour les liens que tu entretiens avec ton aidé et ton entourage.
La douceur est pour moi un moyen de rentrer en relation avec l’autre surtout s’il est faible et réclame de l’attention. Quand je la pratique pour m’adapter à mon aidé ou être moins frontale et rude, je l’exerce aussi sur moi. Elle m’apaise et me rend plus à même de rentrer en lien avec l’autre.
Elle est donc en même temps un don et un accueil : la douceur que je donne vient me nourrir et m’adoucir. Je suis donc gagnante.
Ce n’est pas toujours facile d’être doux :
la colère est parfois là et prend toute la place en moi, le découragement me gagne et je me sens peut-être usée de redire sans cesse la même chose, de poser les mêmes actes pour prendre soin de l’autre.
Cette colère, cette usure, cette lassitude ont besoin d’être entendues. Elles te parlent de tes besoins de te sentir respectée, soutenue, reposée et en pleine possession de ton énergie pour mener à bien tes projets personnels. Tu as toi aussi besoin de cette douceur qui écoute, comprend et prend soin de toi. Tu as besoin de t’en nourrir.
Que peux-tu mettre en place pour répondre à tes besoins ? Comment peux-tu exercer cette douceur avec toi-même ?
Je peine parfois à être douce avec moi. Je me dis facilement que « je n’y arriverai pas », que « j’ai encore été trop impulsive »…
La douceur est cependant vitale. Les recherches scientifiques le prouvent : pour survivre et se développer un bébé a besoin d’attention, d’enveloppement, de délicatesse, d’apaisement. Cette douceur originelle nous a permis d’être en vie.
En grandissant certains se forgent une armure car ils vivent dans un monde trop agressif. Certaines blessures trop fortes les obligent, pour survivre à se couper de leurs ressentis et donc de la douceur qu’ils pourraient recevoir.
C’est peut-être ton cas.
Je t’invite donc pas à pas à apprivoiser la douceur.
Tu peux observer la façon dont tu te traites, la consolation, les encouragements que tu t’offres. Tu peux aussi regarder la façon dont tu traites une amie : la culpabilise-tu ? La soutiens-tu ? Pointes-tu du doigt ce qui n’est pas parfait en elle ? La félicite-tu ?
Agis-tu de même avec toi ? Que pourrais-tu te dire dans ce sens ?
Pour faire entrer la douceur en toi, tu peux aussi te rappeler un moment où quelqu’un a pris soin de toi et rester quelques instants avec les sensations agréables qui vont avec. Elles sont bénéfiques pour toi. Si tu ne trouves pas de situations, tu peux avoir une image qui représente la douceur, la présence attentive. En la contemplant et te laissant toucher par elle, tu te laisses aussi imprégner. C’est comme prendre un bain de douceur.
J’ai chez moi un tableau qui représente une maman qui fait un câlin à son petit garçon : regarder cet échange d’affection, le mouvement de leurs corps qui vont l’un vers l’autre me nourrit et m’apaise.
Dans la vie, je suis comme un petit enfant qui apprend, tâtonne, tombe et essaye de trouver un support pour s’appuyer et se relever puis essaye à nouveau. Avec douceur, sa maman lui tend une main pour le relever, lui caresse le genou qu’il s’est cogné. Seras-tu pour toi-même cette maman pleine de prévenance et d’attention ?
Le choix de la douceur donnée à l’autre va nourrir la douceur pour toi-même.
Le choix de la douceur pour toi-même va nourrir la douceur donnée à l’autre.
Choisir une attitude de douceur, de présence attentive à l’autre a aussi pour conséquence de m’exposer. La qualité de ma présence m’engage, m’oblige à m‘investir dans la relation et donc à me dévoiler un peu.
La douceur entraîne aussi l’empathie : je me laisse toucher par l’autre, je n’agis pas avec lui comme un robot. Je suis attentive à lui et accepte d’être à mon tour vulnérable. Je lui donne donc un certain pouvoir sur moi.
Ce contact est à double tranchant :
il est indispensable (j’en ai besoin, l’autre en a besoin) et parfois aussi insupportable car il ravive la dépendance et parfois des blessures.
J’ai touché cela il y a quelques jours lors d’une conversation avec ma mère.
Elle est de plus en plus dépendante et n’arrive plus à rester seule. Je devais lui parler de sa vulnérabilité alors qu’elle voulait paraître forte. J’appréhendais ce moment. Je pouvais lui parler de façon très factuelle en faisant appel à certains épisodes compliqués pour elle. Chacune de nous aurait mis son armure pour imposer à l’autre la vision de la situation. J’ai pu être inspirée et choisir la douceur. J’ai essayé de la rejoindre dans sa tristesse de se sentir dépendante en l’écoutant et lui disant des paroles affectueuses. J’ai été là pour l’accompagner et tenter de parler avec pudeur et délicatesse d’une étape de vie difficile pour elle. Je lui ai donné ce que je pouvais lui donner à ce moment-là.
Je te souhaite chère Fabuleuse de pouvoir expérimenter la paix et la joie que procure la douceur pour toi-même et pour ton aidé.
Elle peut s’infiltrer, s’insinuer dans tout ton être et t’apporter du bien-être.
Elle peut te transformer et permettre un lien plus beau avec ton entourage. Chaque geste doux est un moment unique qui fait du bien à la relation. Il peut te faire passer d’une façon de vivre marquée par la fatalité ou la colère, à un chemin de coopération plus libre avec une réalité qui s’impose à toi.
Il n’est pas toujours doux de vivre mais la sensation d’exister, la capacité d’attention à l’autre fait grandir la douceur en soi.



