Je les lis bien souvent dans les lignes que vous me partagez dans vos échanges, que ce soit par mail ou sur la plateforme qui vous est dédiée si vous avez suivi La Pause douceur : vos émotions. Ces émotions, sachez-le, sont aussi les miennes.
Je voudrais aujourd’hui parler de la culpabilité.
Dès que l’on partage le récit de situations complexes avec une personne aidante, la culpabilité est là.
« Non, je ne peux pas mettre mon conjoint dans une institution spécialisée : j’ai promis d’être avec lui pour le meilleur et pour le pire, et je lui ai aussi promis, au début de sa maladie, que jamais je ne le mettrais dans une institution de type EMS ou maison de retraite. Je me sentirais trop coupable ! »
« Non, je ne peux pas ne pas conduire mon fils chez le pédopsychiatre. C’est mon rôle, ma place ! Je ne peux pas déléguer ce trajet, je m’en voudrais trop ! Et pourtant, je suis si fatiguée… »
Je pourrais multiplier les exemples. La culpabilité n’est évidemment pas l’apanage des aidants, mais elle peut être particulièrement dangereuse pour eux, car elle contribue à les mener à l’épuisement et au burn-out.
La culpabilité est une émotion particulièrement désagréable.
Elle se manifeste par un état de tension, d’angoisse ou d’agitation. Elle n’est pas négative en soi, car elle peut nous signaler que nous n’avons pas respecté nos valeurs, nos principes : à la base, la culpabilité nous rappelle que nous avons mal agi.
Elle existe aussi lorsqu’on a une vision trop idéale de nous-mêmes et que l’on se sent en décalage par rapport à notre image ou qu’on craint d’être en décalage avec celle-ci. C’est cette culpabilité que je veux évoquer.
La personne aidante, qui a peur de ne pas respecter une promesse (faite le plus souvent dans des circonstances bien différentes de la réalité actuelle), redoute de ne pas être ce conjoint/parent/enfant parfait qu’elle désirerait incarner.
Il arrive aussi que l’aidant soit “culpabilisé” par les autres membres de sa famille. C’est très simple de manipuler les autres en induisant sa culpabilité. Au hasard : « Tu ne vas quand même pas mettre ton père en institution ? En tous cas, je ne pourrais pas mettre le mien, je l’aime trop. » Ce genre de commentaire peut être particulièrement difficile à entendre.
La culpabilité peut aussi gâcher le temps de répit que l’on réussit à s’accorder :
« Nous sommes partis en vacances avec mon conjoint pendant deux semaines, nous avions trouvé une maison de convalescence pour ma mère pendant notre absence, mais elle ne s’y plaisait pas et me téléphonait chaque jour pour se plaindre. Inutile de vous dire que je n’ai pas profité de ces vacances, je me sentais trop coupable ! »
Cette culpabilité, chère Fabuleuse, est bien particulière. Elle provient surtout d’un manque de compassion envers soi-même, d’un manque de respect envers ses besoins, ses désirs et ses limites.
Peut-on surmonter la culpabilité ?
Lorsqu’elle est réelle, qu’elle se présente parce qu’il y a véritablement eu transgression de valeurs importantes à nos yeux, il s’agit d’accepter qu’en tant qu’êtres humains, nous ne faisons pas tout le bien que souhaiterions faire mais qu’au contraire, nous faisons le mal que nous ne souhaiterions pas faire. Il s’agit de considérer la possibilité d’un acte de réparation si c’est possible, puis d’apprendre de l’erreur commise.
Mais chère Fabuleuse, le problème est que beaucoup d’aidants ressentent une culpabilité irrationnelle. Les messages que je reçois quotidiennement sont là pour en témoigner 🙂
La plupart du temps, les aidants insistent sur leurs « manquements », sur leurs limites, et mettent la barre tellement haut qu’il leur est impossible de l’atteindre.
C’est ce que j’appelle la fausse culpabilité.
Dépasser cette fausse culpabilité, c’est accepter son humanité, son imperfection, sa vulnérabilité, ses limites.
- C’est accepter de ne pas porter seule des fardeaux qui deviennent insupportables
- C’est changer son raisonnement et son dialogue intérieur
- C’est faire la part des choses et s’accepter totalement, car la culpabilité irrationnelle n’est pas utile !
Nous le répétons souvent chez les Fabuleuses : la culpabilité irrationnelle est une fausse-amie, un poison insidieux qui ne nous pousse jamais à faire les bons choix, et qui nous épuise.
Peut-être t’es-tu un peu reconnue dans l’un des exemples cités. Alors, me demanderas-tu : « C’est grave ? ». L’important, chère Fabuleuse, c’est d’abord de prendre conscience de la situation, de la considérer avec réalisme et responsabilité, puis de découvrir comment continuer en prenant réellement soin de soi.
Dans un prochain texte, j’évoquerai d’autres émotions familières quand on est aidant d’un proche : le sentiment d’injustice et la colère.