J’ai toujours été de nature réservée, mais depuis l’arrivée de mon fils Amélien et de son chromosome surnuméraire, me voilà bien souvent à devoir discuter avec des « inconnus ».
J’ai même appris, il y a quelques années, que les apparences sont souvent trompeuses, que la peur de la différence pourrait te faire manquer un échange rempli d’amour…
Nous sommes en 2017, Amélien a 1 an et demi.
Il est assis dans le caddie que je pousse à travers les couloirs du supermarché.
Concentrée sur ma liste de course, je le sens subitement s’agiter. Je lève les yeux et le vois sourire à quelqu’un. Un peu plus loin, une employée du magasin est en train de remplir des étalages vides et elle lui sourit. Oh, je l’ai déjà vue, « elle », avec ses cheveux très courts, presque rasés, des piercings sur toutes les oreilles et des tatouages qui débordent de partout.
Je lui souris de loin, je n’ose pas m’approcher.
Il faut dire que je m’agite aussi, elle me fait un peu peur, je l’avoue. Amélien insiste de plus en plus et me fait comprendre qu’il faut aller vers elle. Comme je dois acheter du jambon, me voilà dans l’obligation de m’avancer dans sa direction.
En arrivant à sa hauteur, elle se met à parler à Amélien :
« T’es mignon toi avec tous ces sourires que tu me fais ! ».
Ohlala, sa voix grave aussi m’impressionne. De plus près, je remarque ses rides, une peau déjà usée par la vie, son regard clair me semble triste.
Amélien s’agite et lui tend les bras.
Surprise, la dame me demande : « Puis-je lui faire un câlin ? » De mon côté, un peu abasourdie par l’attitude de mon fils, je lui réponds du bout des lèvres : « Oui ».
Alors, sûre d’elle, elle se penche et serre dans ses bras mon fils. Je regarde abasourdie cet échange affectueux.
Je suis éblouie par cet amour qui jaillit à travers deux êtres qui ne se « connaissent » pas. Je suis surprise ce n’est pas dans les habitudes d’Amélien de câliner des inconnus. Et puis, tout d’un coup, je me questionne :
- Pourquoi, sans Amélien, je n’aurais jamais osé approcher cette femme ?
- Pourquoi ma réserve est-elle basée sur son apparence, sur ce que je crois « voir » d’elle ?
Alors, je réalise que beaucoup d’autres le font en regardant mon fils…
Le silence demeure, et je la regarde vraiment. Dans ses yeux, des larmes ; tout bas, elle me dit :
« Merci, j’avais vraiment besoin de ça aujourd’hui ».