Je garde toujours dans mon cœur de maman le souvenir des câlins du retour de l’école maternelle, des retrouvailles après quelques heures de séparation : nos corps ont besoin de se toucher, de s’étreindre, de se sentir. La petite main de ma fille se glisse dans la mienne et je la serre un peu, elle aussi : nous nous comprenons. Petit geste de tendresse. Amour échangé qui traduit la joie d’être réunies, douceur de la présence de l’autre. Tendresse exprimée et partagée.
Comme le chante Bourvil, dans La Tendresse : « on peut vivre sans richesse,…sans la gloire…mais vivre sans tendresse, on ne le pourrait pas ».
Si j’en croit le Larousse, la tendresse est un « sentiment tendre d’amitié, d’affection, d’amour qui se manifeste par des paroles des gestes doux et des attentions délicates ».
« Elle s’exprime dans les gestes, le toucher, la douceur, la délicatesse, l’attention portée aux besoins d’autrui, le regard, la voix, et constitue une forme de respect de l’autre » nous dit Wikipédia.
Un langage du cœur.
Pour moi, c’est un langage qui part de mon cœur pour toucher le cœur de l’autre ou du cœur de l’autre pour toucher le mien. Souvent les deux cœurs sont touchés en même temps : en laissant la tendresse jaillir de mon cœur, j’en bénéficie aussi.
Il adoucit la relation : dans l’épuisement, choisir d’avoir une caresse, un mot bienveillant, un sourire avec mon aidé me rappelle qu’il a avant tout besoin de ma tendresse avant d’avoir besoin de ma compétence. Je suis une personne qui prend soin d’une autre personne. La compétence a besoin d’être là mais elle n’est pas première. Quand je l’enrobe de tendresse j’y glisse quelque chose de mon cœur. Mon parent atteint de démence, qui se sent anxieux et perdu, est rassuré d’être écouté et de sentir que je lui tiens la main en restant simplement près de lui. Ce geste de tendresse en dit plus que mille paroles.
La tendresse demande de s’arrêter, de se mettre quelques instants au tempo de l’autre pour le rejoindre et lui offrir notre présence. Quand mon fils manifeste sa souffrance d’être différent, le petit temps que je prends avec lui et le regard que je lui porte montrent que, oui il est différent et oui il est important et digne d’amour et d’attention.
La tendresse induit quelque chose de doux, d’attentionné, de respectueux pour ne pas devenir condescendance.
C’est un baume déposé sur le cœur de l’autre et qui agit aussi sur le nôtre en retour.
En donnant cette tendresse, je me reconnais aussi faible, vulnérable et ainsi je rejoins l’autre. Je lui ouvre, je nous ouvre un cocon où nous nous reconnaissons. Je me répare aussi car je laisse mon cœur accueillir sa propre vulnérabilité.
Ce n’est pas un remède magique qui va résoudre tous mes problèmes, c’est une fenêtre ouverte sur la reconnaissance de notre humanité mutuelle.
Nous sommes le plus souvent aidante d’un membre de notre famille. Or notre famille est aussi un lieu de blessure ou de conflit. La tendresse a alors plus de mal à s’exprimer si ces souffrances sont niées ou trop fortes. Le geste de tendresse ouvre alors un possible sur une relation plus apaisée pendant quelques instants.
Une patiente m’a partagé cela dans la maladie de son père contre qui elle nourrissait de la rancune. Lui donner la main a créé un pont entre eux pour commencer petit à petit à parler en vérité.
La tendresse est aussi dans les périodes plus difficiles la chose dont j’ai sans doute le plus besoin. Besoin d’en recevoir et besoin d’en donner.
Elle vient alors nourrir mon cœur et m’apaiser.
Quand je souffre et me sens vide, je suis alors comme un enfant qui a besoin de se « recharger » auprès d’une personne aimée et bienveillante en la touchant, la sentant, écoutant la mélodie affectueuse et familière de sa voix.
Qui me donnera la tendresse ? Qui viendra poser dans mon cœur la douceur et la bienveillance dont j’ai besoin ?
C’est la question que je peux me poser pour moi.
C’est aussi ce que me demande en tout premier lieu mon aidé.
La tendresse, je n’arrive plus à en offrir
Parfois mon cœur est sec et je n’arrive plus ou pas à offrir de la tendresse à mon aidé.
Il existe plusieurs causes.
J’en ai retenu trois avec pour chacune un remède à découvrir et expérimenter.
La peur vient entraver ma capacité à offrir ou recevoir de la tendresse. Peur que le geste d’affection que je veux donner ne soit pas accueilli. Peur d’être submergée par mes émotions si je commence à ouvrir mon cœur. Peur de ne plus être assez vigilante en baissant quelques instants les armes.
L’antidote est alors le courage. Il en faut du courage quand tu es aidante. Tu peux être fière quelque soit la forme qu’il prend. Courage de rester ou courage de confier ton aidé pour quelques heures ou plus. Courage de parler, parlementer, expliquer ou courage de te taire ou de laisser couler ses larmes. Courage de te dépasser ou courage de dire stop en passant le relai.
L’endurcissement du cœur est une autre cause qui empêche l’échange de tendresse. Je peux m’être construit une armure à la suite de blessures. Ce sont souvent des espoirs déçus de tendresse que j’aurais aimé recevoir ou donner. L’autre n’en a pas voulu. Nos deux armures se sont cognées et la relation que j’espérais n’a pu avoir lieu. La cuirasse lui laisse rarement de la place car elle empêche la vulnérabilité que nous portons chacun de se manifester. Elle est aussi un moyen de se protéger de la douleur. J’ai parfois revêtu cette cuirasse quand mon fils était hospitalisé. C’était ma façon de tenir, de me sentir forte face à mon impuissance à soulager sa détresse. Ma douleur m’empêchait de me décentrer de moi alors que la solution pour m’en sortir était de lui manifester ma présence affectueuse.
Peut-être as-tu connu cet endurcissement ? Quel petit pas peux-tu faire pour doucement t’assouplir ? Que peux-tu venir peu à peu consoler en toi, quelle tendresse ou douceur peux-tu t’apporter à toi-même ?
La dernière cause est parfois tout simplement l’épuisement, le mode « robot » qui empêche la tendresse de sortir. Tu sens alors ton cœur sec. La fontaine du don de soi s’est tari. Tu as alors à ton tour un grand besoin de tendresse pour remplir ton réservoir d’amour. Chez les Fabuleuse Aidantes, nous offrons des outils pour entrer sur un chemin d’autocompassion et de tendresse à se donner. Tu peux t’aider du programme je deviens mon alliee interieure pour cela. Tu peux aussi expérimenter la tendresse d’un mot « tu n’es pas seule », « tu n’es pas la seule ». Tu te donnes à toi-même ces mots et tu les reçois.
Ces remèdes sont des chemins à ouvrir ou à approfondir. Je te propose d’essayer chère Fabuleuse, d’oser une fois la tendresse et d’en goûter les bienfaits pour toi, pour ton aidé et pour votre relation.
Tu peux la manifester par une main tenue, un merci dit en regardant l’autre avec reconnaissance, une caresse remplie de douceur, une intonation de voix qui ne laisse pas de place à l’exaspération mais accueille l’autre avec patience.
Se mettre sur ce chemin c’est aussi recevoir beaucoup, permettre à l’autre d’ouvrir son cœur et, se sentant aimé d’entrer dans une relation belle et tournée vers l’apaisement et la joie.
Pour ma part, elle m’a sauvé.
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