Mon métier de coach spécialisée me permet de rencontrer beaucoup de parents concernés par le handicap, mon parcours de maman d’un enfant polyhandicapé aussi. Les mêmes préoccupations ou doutes reviennent :
« Mon Dieu, quelle vie j’offre à mon autre enfant ? »
ou « Je n’ai pas de l’énergie pour tous, je culpabilise de laisser un peu tomber mon autre enfant »
ou « Oh mon aîné, non, il ne fait pas de vague, au contraire, il est adorable, très soutenant »
… Il y aurait plein d’autres remarques à énoncer.
Être frère ou sœur d’un enfant avec handicap est atypique, oui.
Une fatalité, je ne le crois pas.
J’ai été la nièce d’un oncle maternel myopathe. J’ai été impactée par sa maladie et par la façon dont les autres membres de la famille l’ont vécue. J’ai eu pendant longtemps des blessures, des croyances qui ont influencé mon comportement et dont j’ai choisi de me libérer peu à peu. Pour autant, j’ai aussi beaucoup appris sur la vie, sur la maladie, sur le handicap et tous ces apprentissages m’ont servi quand, à mon tour, j’ai eu un fils handicapé. Sans mon parcours, je n’aurais pas été une aussi “bonne” maman, je n’aurais pas abordé les choses de la même façon.
Naturellement, j’ai pris grand soin de préserver ma fille au mieux pour qu’elle-même ne vive pas les manques que j’avais vécus, qu’elle ne récupère pas certains schémas de fonctionnement du style :
« Je ne dois pas créer de nouveaux problèmes à mes parents, ils en ont déjà assez ».
Dans ce contexte atypique, une clé puissante est de créer un espace d’accueil, d’écoute non jugeante, authentique, dans lequel l’enfant de la fratrie va pouvoir venir se déposer et parler librement, avec cette garantie qu’il sera entendu, sans être jugé, sans qu’on lui fasse de leçon, reconnu dans ce qu’il vit et surtout qu’il ne blessera pas son parent.
Cela demande bien sûr pour le parent de mobiliser (encore) un peu plus d’énergie pour rendre cela possible et qu’il prenne soin de ses propres émotions, de ses blessures…
Et ça en vaut tellement la peine !
Cela permet à l’enfant de se libérer au fur et à mesure des poids qu’il peut avoir sur le cœur, en lui. D’être le plus authentique possible. D’exprimer à ses parents là où il en est. De vivre une véritable forme d’équité (vous noterez que je ne parle pas d’égalité) par rapport à son frère ou sa sœur handicapé(e) quant à l’attention et le temps accordés par ses parents.
Ce dernier point est souvent remuant.
Ça l’a été pour moi quand, parfois, ma fille me disait : « Tu as beau dire, tu t’occupes plus de Victor que de moi » … Entendre cela m’irritait profondément, me faisait ressentir une forme d’injustice en moi car « mince alors, je fais mon maximum pour m’occuper autant de l’un que l’autre ! ».
Mais en fait, elle avait raison, tellement raison… Car oui, je faisais de mon mieux et, pour autant, notre quotidien était régi par l’état de santé de son frère, ce qu’on pouvait ou non faire avec lui, ses nombreuses hospitalisations sur les dernières années de sa vie, etc.
Un exemple flagrant : on ne pouvait pas partir spontanément quelque part, tout devait être organisé soit pour le faire garder soit pour tout caler au regard des traitements, de sa fatigue, des possibilités d’accès avec le fauteuil roulant, etc. Donc oui, il n’y avait pas égalité mais plutôt équité au regard des besoins et spécificités de l’un et de l’autre.
J’ai fait de mon mieux même si ce mieux n’était pas toujours celui que j’espérais.
Le principal était que ma fille pouvait exprimer cela sans que je sur-réagisse, piquée au vif, et que je fasse des réajustements quand c’était possible. Et sinon, l’important est que je reconnaisse cet état de faits car un des besoins primordiaux de l’être humain est d’être reconnu dans ce qu’il vit.