Prof des écoles, maman de deux enfants extraordinaires, Hélène R ; nous partage son quotidien d’aidante. Avec honnêteté et douceur, elle raconte les défis, les petits bonheurs, l’épuisement… et la force qu’elle puise dans l’amour et le répit.
Hélène, qui es-tu ?
Je suis maman de deux enfants aux besoins particuliers. Mes deux enfants sont concernés par l’autisme et le TDAH, chacun à sa façon.
Je suis aussi enseignante en primaire. Je ne m’ennuie jamais ! On dit de moi que je suis spontanée et résiliente, mais je ne m’en rends même pas compte. Je peux gérer de front plusieurs projets, et finalement ça m’aide à tout concilier. Être maman de deux enfants atypiques, c’est un rythme intense. Je plaisante souvent en disant : « Sans eux, je m’ennuierais ! » Mais c’est vrai. Chaque jour est une surprise, une découverte, un défi. On apprend à faire avec, à s’adapter. Il y a des moments de fatigue, mais aussi de grandes joies.
À quel moment as-tu réalisé que tu étais aidante ?
Je ne m’étais jamais posé la question, jusqu’au jour où mon médecin m’a dit que je pouvais remplir un dossier MDPH en tant qu’aidante. J’ai été surprise !
Je pensais que ce que je faisais était “normal”, tellement c’est inscrit dans mon quotidien. Mais c’est après un burn-out en 2023 que j’ai compris que je portais beaucoup, trop. Le mot “aidante” m’a permis de mettre des mots sur ce que je vivais.
J’ai commencé une thérapie, appris à dire non, à poser des limites. Ça a été un vrai tournant. Au début, j’étais dans l’action permanente, sans m’autoriser à ralentir. Je subissais aussi les injonctions extérieures. Puis j’ai compris que mon épuisement ne me rendait pas plus présente pour mes enfants. Pendant ma convalescence, j’ai découvert l’association des PEP qui propose du répit à domicile. Aujourd’hui, je reconnais mes besoins et j’essaie de les respecter au mieux. C’est un équilibre fragile, mais essentiel. 
Qu’est-ce que le répit a changé pour toi ?
Il m’a redonné de l’oxygène. Au début, j’étais stressée, surtout pour mon fils. Il faut que ça “matche” avec la personne. Mais j’en avais besoin, même si ça « râlait » parfois à la maison.
Pendant qu’ils étaient pris en charge, j’ai pu aller faire les courses, boire un verre, aller chez le coiffeur… ça paraît banal, mais pour moi, c’était énorme.
Depuis, je me suis inscrite au tennis, à la sophrologie. J’ai compris qu’avoir des moments pour moi me rendait plus disponible pour les autres. C’est ça que j’ai appris grâce au répit : à me reconnecter à moi-même. À ne pas rester figée dans le rôle de maman-aidante 24h/24. J’ai redécouvert que j’étais aussi une personne avec des besoins à elle. Ces temps, même courts, m’aident à mieux vivre les autres moments.
Comment t’organises-tu au quotidien ?
Je me lève avant 6h pour avoir un moment de calme, boire mon thé, prendre ma douche avant que tout le monde se réveille.
Un matin dans la semaine, sur le temps d’école des enfants, je vais à la relaxation. Si je sors en soirée, on a trouvé une super babysitter : elle comprend bien les émotions des enfants, elle pose un cadre rassurant.
Mes enfants vont aussi dans un centre de loisirs avec une équipe très sensibilisée, le directeur a vraiment tout fait pour que ça se passe bien. Ils ne sont pas exclus, au contraire ils sont accompagnés. C’est une chance précieuse ! On a aussi eu la chance que les diagnostics de mes enfants soient posés relativement tôt. Le parcours de mon fils a permis de mettre en lumière celui de ma fille, et inversement. Ils se sont « éclairés » mutuellement. Ça n’a pas été simple, mais ça nous a permis d’avancer ensemble, en famille.
Comment concilies-tu ta vie personnelle et ta vie professionnelle ?
Avant d’être maman, en étant professeure des écoles, j’avais déjà une certaine sensibilité aux enfants à besoins spécifiques. Maintenant, mon vécu de maman aidante nourrit ma pratique professionnelle. Je suis plus patiente, plus à l’écoute, plus empathique. Quand j’ai des élèves en grande difficulté ou avec un handicap invisible, je ressens une forme de connexion, une compréhension particulière. C’est quelque chose que mes enfants m’ont transmis. Ce n’est pas « professionnel », mais ça enrichit profondément mon métier. Je n’en parle pas trop à l’école. Mon directeur n’est pas forcément au courant, le médecin du travail si. Grâce à lui, j’ai pu le rencontrer lors de mon burn-out, et grâce aux notifications MDPH, j’ai pu, finalement, après 5-6 ans à presque deux heures de route quotidienne et à temps plein, obtenir un temps partiel et un poste proche de la maison (à 15 minutes de chez moi). C’est un vrai gain d’énergie au quotidien !
Qu’est-ce que tu as appris avec le temps ?
À mieux me connaître, à poser des limites, à me préserver.
J’ai appris que ce n’est pas égoïste de penser à moi, c’est nécessaire. J’ai aussi appris à faire le tri autour de moi : toutes les remarques sur l’éducation, sur ce que je devrais faire ou pas… tout ce qui ne m’aide pas.
Maintenant, je choisis à qui j’explique, selon l’énergie que j’ai, selon comment je peux sentir la personne réceptive ou non. J’ai aussi appris à me détacher du regard des autres.
Le handicap invisible, c’est difficile à faire comprendre. Et pourtant il est bien là. Une phrase m’a marquée, dite par la neuropsychologue qui a fait le bilan de mon fils : « En aucun cas, il ne faudra laisser quelqu’un vous dire ou vous faire penser que c’est une question de mauvaise éducation. » Cette phrase m’a libérée d’un poids énorme. Elle m’a permis de ne plus douter de ce que je faisais de mieux : être là pour mes enfants.
Qu’est-ce qui te fait du bien ?
Les petits moments. Me lever tôt, boire un thé en silence, regarder la nature.
Pendant les vacances, je prends le temps de lire des romans légers, juste pour le plaisir.
J’essaie de passer du temps avec chacun à tour de rôle. J’admire leur sensibilité, leurs attentions, leurs progrès.
Mon fils me dit parfois : “Tu as toujours une place dans mon cœur.” Ces moments-là, je les grave. Je prends aussi du recul grâce à de petites habitudes : je change de lunettes, au sens figuré, je regarde la journée autrement. Même quand c’est dur, j’essaie de voir les petites choses qui émerveillent. Un sourire, une phrase tendre, un paysage en rentrant de l’école… C’est ça qui me recharge.
Quel message aimerais-tu transmettre aux Fabuleuses Aidantes ?
Ne doute pas. Ce que tu fais, c’est juste bien.
Prends soin de toi, sans culpabiliser. Célèbre chaque petite victoire, chaque progrès.
Tu as le droit de dire non, de poser des limites, de respirer.
Et surtout, garde confiance. Nos enfants sont extraordinaires, et ils nous révèlent à nous-mêmes. On ne choisit pas ce rôle, mais on apprend chaque jour à le vivre avec force, amour… et un peu de légèreté quand c’est possible. Les enfants extraordinaires rendent les parents extraordinaires, tu ne crois pas ? Même si on ne se sent pas toujours à la hauteur, même quand les nuits sont courtes et les journées trop longues, chaque petit pas compte. Et chaque sourire d’eux nous rappelle qu’on gravit la montagne ensemble.
                
                


