Si votre enfant grandit avec des difficultés et des souffrances qui vous dépassent,
vous cherchez des solutions. Vous tombez sur un psychiatre “à l’ancienne” et il vous dira que votre enfant est probablement un futur psychotique, et que tout ça est à cause de la mère.
Vous allez voir un psychiatre d’aujourd’hui, il fera un diagnostic, vous répondra que c’est le fonctionnement de son cerveau, il utilisera des sigles, vous écoutera, vous comprendra peut-être, vous parlera TCC* et médicaments.
Certains médicaments fonctionnent sur certains enfants, et ça change des vies (celle des enfants, de leurs parents, de la fratrie). Si les médicaments ne fonctionnent pas, ce médecin sera dépourvu. Vous continuerez à chercher. Vous allez voir un magnétiseur, un énergéticien, etc. — ils sont très nombreux du côté des médecines alternatives — et il vous diront globalement que c’est un problème de rééquilibrage.
Beaucoup incluront la mère (encore elle !) dans le besoin de rééquilibrage.
Vous en parlez peut-être à des connaissances, à certains membres de la famille. Ou vous ne dites rien, mais eux vous en parlent. Beaucoup vous répondront que si vous allez bien, les enfants suivront. La mère (encore elle !) ferait d’ailleurs bien de se remettre au boulot plutôt que d’entretenir un climat anxiogène qui vient davantage de sa tête à elle plutôt que de celle de ses enfants. Et même : « Si l’enfant en question venait passer un peu de temps chez moi, ça filerait droit ».
La mère se dit que si l’enfant venait passer quelques jours chez ladite personne, elle pourrait en effet constater de ses propres yeux ce qui est invisible le temps de quelques heures. Elle verrait les crises, elle verrait que l’origine de la crise tient à une cracotte qui a eu le malheur de tomber par terre de bon matin. Elle devinerait peut-être que l’autonomie acquise pour s’habiller ou se laver les mains est le fruit de plusieurs années de répétitions, de création d’outils, d’une patience sans nom. Elle comprendrait peut-être que quelques semaines de vacances peuvent foutre en l’air ce qui est travaillé depuis des mois, voire des années.
Si vous allez voir un médium, il vous dira que ce sont les ancêtres qui s’expriment.
Si vous allez dans un magasin bio, ils vous vendront toutes sortes de produits aux algues, des huiles, des vitamines de toutes les couleurs pas très bonnes en bouche.
Si vous en parlez avec votre voisin, il connaîtra sûrement LA personne qui pourra tout changer pour que votre enfant aille mieux.
Si vous allez voir un naturopathe, il vous parlera entre autres de l’alimentation, des allergies au lait de vache…
Bref, la liste est longue et ne s’arrête pas.
On rencontre parfois (souvent ?) des personnes culpabilisantes, en particulier envers la mère (comptez le nombre de fois où elle apparaît dans le texte). C’est plutôt bien connu, elle en fait trop, elle devrait en faire moins et/ou le faire autrement, et si ça se trouve, les vieux psychiatres ont raison : c’est de sa faute à elle, tout ça !
Une fois qu’on est parvenu à se dégager du sentiment de culpabilité que la terre presque entière souhaite nous faire porter, on fait quoi de tous ces avis ? Comment fait-on pour que notre enfant aille mieux quand on constate que l’amour, l’attention que l’on porte à son enfant ne suffit pas pour qu’il se sente bien ?
Certaines personnes trouvent LA solution qui leur convient dès le début. Tant mieux !
Certains abandonnent, pour une multitude de raisons. Beaucoup tâtonnent, font leur tambouille, ajustent, réajustent, s’épuisent, arrêtent, repartent sur de nouvelles idées, de nouveaux outils, de nouveaux accompagnements… Une recherche qui prend du temps, de l’énergie, souvent beaucoup trop d’argent, et qui peut aussi voler beaucoup d’espoirs.
Ce texte donne l’impression que je critique les magasins bio, les énergéticiens, etc. Mais je fais mes courses essentiellement dans les enseignes bio, j’utilise beaucoup les huiles essentielles, et je suis persuadée que certains praticiens dits alternatifs peuvent aider à trouver un meilleur équilibre à l’individu. J’ai toujours espoir qu’un nouveau “truc” aide mes enfants à mieux vivre.
On choisit ce qui nous ressemble… même si le choix est vertigineux, et qu’on peut y laisser toutes nos économies. On apprend à écouter notre enfant, à voir ce à quoi il est réceptif, à comprendre que trop de prises en charge peuvent générer le contraire de ce que l’on souhaiterait.
Et puis, quand on a le sentiment d’avoir tout essayé ou presque, ou en tout cas d’avoir cherché et fait beaucoup, on n’a plus envie de demander à son enfant de faire des efforts supplémentaires. On n’a plus envie de lui demander d’aller à tel rendez-vous alors qu’il vient déjà de se taper une journée à l’école. On a envie que ce soit le regard des autres qui change. On ne supporte plus tous ces sigles enfermants et réducteurs. On a envie de regarder son enfant dans sa globalité, dans sa complexité, et faire avec toutes les facettes de ce qu’il est.
On a juste envie de parler d’amour, et plus du reste.
J’avais envie d’écrire pour les mères que l’on accuse, beaucoup, trop, souvent, beaucoup trop souvent.
J’avais envie d’écrire pour tous les pères présents. Il y en a plein, des discrets qui ne font pas de bruit. Tellement pas de bruit qu’on les sollicite souvent, et qu’on oublie qu’ils sont déjà submergés.
J’avais envie d’écrire pour parler des parents qui cherchent.
J’avais envie d’écrire pour les parents déçus et blessés, ceux qui n’ont pas réussi suffisamment à se protéger jusque-là.
J’avais envie d’écrire pour les enfants qui morflent.
J’avais envie d’écrire pour les personnes dont les failles sont invisibles et qui se disent avec amertume qu’elles pourraient être entendues si elles étaient tétraplégiques ou toute autre pathologie bien visible.
Finalement, est-ce que cela n’aurait pas été plus simple ?
J’avais envie d’écrire pour les personnes qui font du bien, parce qu’elles n’ignorent pas ton combat, mais qu’elles ne te réduisent pas à celui-ci. Elles ne jugent pas tes choix, et à travers tes choix, la personne que tu es. Juste, elles sont là et tu es là pour elles, et ça change tout.
J’avais envie d’écrire pour me rappeler du caractère mouvant de la vie en chacun de nous. Parfois le chemin est si long et tortueux qu’il donne un sentiment d’enlisement, de désespoir, comme si le mouvement venait uniquement de l’extérieur. Les gens montent dans le wagon et tu es seule sur le quai. Tu cherches. Tu bouges dans tous les sens mais tu restes sur le quai. Tu as même parfois l’impression que la situation régresse, et ça te désespère.
Alors ne t’enferme pas et prends le temps de regarder et de sentir le changement et le vivant en toi. Rappelle-toi que le train donne une sensation de mouvement mais que certains s’y sentent autant enfermés que ceux qui sont sur le quai.
Résiste à la forte tentation de la comparaison.
Sens tes pieds dans la terre.
Regarde-toi avec amour.
* Thérapie Cognitivo-Comportementale
Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse aidante, Anne-Sophie Klymko, co-fondatrice de l’association Parent’Aise Solidaire