Divers

Le poids de la culpabilité

Blanche Renard 22 juillet 2025
Partager
l'article sur


“Je me sens coupable de ne pas donner assez de temps à mon aidé”.
“Je me sens coupable de prendre du temps pour moi”.
“Je me sens coupable de demander de l’aide à un tiers pour me remplacer”.

Ces petites voix intérieures t’ont peut-être un jour effleurée. Elles peuvent même t’habiter en permanence. Pour ma part, je les connais et elles me mettent bien mal à l’aise.
Ressentir la culpabilité fait souvent partie de notre quotidien. C’est un poids qui nous retient et freine notre élan de vie. Il nous prend beaucoup d’énergie, nous épuise et nous empêche d’avancer.

En tant qu’aidante, tu es peut-être particulièrement confrontée à ce ressenti. En effet, il naît souvent du décalage entre nos idéaux, nos rêves ou nos principes et la réalité d’une vie que nous n’avons pas choisi.
Quelques exemples : je rêvais, une fois adulte, d’une belle relation avec mon père/ je suis sans cesse en colère contre lui et sa maladie. J’ai épousé cet homme pour que nous nous aimions/ je ne supporte plus les conséquences de sa dépression.
La culpabilité fait mal: c’est une morsure qui parfois se réveille. Elle mord et remord encore, provoquant chez nous le “remord”.

Peut-être t’es-tu demandé pourquoi cette culpabilité s’imposait à toi dans certaines situations (un regard extérieur, une remarque ou même une pensée qui te traverse) ou pourquoi il était toujours présent en musique de fond dans ta vie.

Il faut tout d’abord savoir qu’il existe deux sortes de culpabilité : une bonne et une mauvaise.

La bonne culpabilité me permet de vivre en société, de ne pas voler, de ne pas tuer, d’être polie avec mon voisin et altruiste. Elle me pousse à bien agir, à respecter la loi et ma conscience. Elle me permet de reconnaître mes torts si j’ai mal agi et à réparer ce qui est réparable. Elle est structurante et au service de mon intégrité et de ma sérénité. Les seules personnes à ne pas la ressentir sont les pervers qui aiment par-dessus tout la faire vivre aux autres.
La mauvaise culpabilité est aliénante. Elle affecte l’estime que je me porte. C’est une quête illusoire de perfection ou de toute puissance. C’est parfois une volonté inconsciente de réparation de quelque chose que je ne comprends pas ou encore une dette que je ressens (dette de la vie donnée par les parents, poids des traditions familiales trop lourdes à porter aujourd’hui, poids du regard des autres que je pense jugeant, poids d’un idéal ou d’une promesse…). Elle peut aussi naître de la comparaison avec d’autres.

Je peux me sentir coupable d’avoir donné la vie à un enfant dont les capacités limitées ne peuvent pas lui permettre de profiter pleinement de la vie.
Je peux aussi ressentir la culpabilité d’avoir confié mes parents à un EHPAD pour prendre soin de moi et de mon couple. Ce compromis me hante.
Je culpabilise aussi d’éprouver de la joie dans mon travail alors que mon conjoint souffre et ne peut plus travailler.
Parfois je peux me sentir coupable que l’autre soit malade et pas moi ou encore coupable d’avoir eu une enfance malheureuse alors que je sais que je n’ai fait que subir cette réalité.

Comment faire ? Comment vivre avec ou dépasser ce mal-être de la mauvaise culpabilité ?

La culpabilité est une émotion. C’est donc un signal informatif.
Pour ma part, ce signal engendre parfois chez moi de la rumination: j’entends alors la petite voix qui dit “tu es nulle”, “tu as eu tort”, “tu n’y arriveras pas”, “tu ne peux te permettre d’être heureuse si l’autre ne l’est pas”… D’autres rejettent le problème sur autrui en cherchant un coupable: “c’est de la faute de mon frère qui ne fait rien pour sa mère”, ou encore la faute “de mon beau-père qui a légué cette maladie à son fils” ou “du médecin qui prescrit des traitements trop compliqués”… Ces attitudes ne peuvent que me retirer mon énergie et m’enfermer dans une pensée stérile d’auto-flagellation inconsciente et de condamnation.

Je te propose de faire un pas de côté, d’accepter d’écouter ce ressenti qui souvent t’éloigne de ton élan vital et te fait souffrir. En prendre conscience et le nommer permet de mettre de la distance entre lui et toi et de moins subir.
Voici quelques pistes pour ne pas te laisser envahir par la culpabilité.

Première piste : écouter ta liberté.

Suis-je libre face aux actes que je pose ? Est-ce ma culpabilité qui me fait agir ou est-ce moi ?
Je te donne un exemple. Je sens que j’ai besoin de prendre du temps pour moi. Pendant ce temps, je ne pourrai pas être auprès de mon mari dont je suis l’aidante. La culpabilité arrive car je peux avoir la sensation de l’abandonner, que la personne à qui je vais le confier ne sera pas aussi attentive à lui que moi et qu’il va m’en vouloir et se sentir délaissé.
Mon besoin et ma culpabilité sont tous les deux là au fond de moi. Ils se regardent et s’affrontent peut-être. Je peux ressentir un déchirement, une peur de ne pas être à la hauteur parce que je n’aurais pas “tout” donner. Qui va décider : la culpabilité ou moi ?
La culpabilité s’allège quand je vis en cohérence avec moi-même, avec mes valeurs.

Deuxième piste : utiliser ta mémoire.

Il s’agit des souvenirs qui te rappellent combien tu as été bien avec toi-même dans certaines situations. Quand tu t’es sentie confortée dans ce que tu faisais. Ce sont des paroles valorisantes que tu t’es adressées ou que d’autres t’ont dites. Tu peux te les redire, te féliciter pour ce que tu as fait et pour ce qui est.
Tu as alors recours à la gratitude et à l’auto-compassion qui nous sont si chères chez les Fabuleuses Aidantes. Ces souvenirs sont comme les cailloux blancs du Petit Poucet qui lui permettent de retrouver son chemin. C’est aussi ce chemin qui va te mener à qui tu es vraiment.
Chaque parole valorisante ou chaque gratitude pour la vie est un antidote très puissant aux paroles culpabilisantes. Nous en avons toutes besoin.
Notre cerveau se rappelle souvent de ce qui ne va pas : la fois où tu as raté ton train et non toutes les fois où tu as été à l’heure pour le prendre, la fois où tu as oublié de renouveler une ordonnance et non toutes les fois où tu l’as fait.
Ici je t’invite à faire le focus sur toutes tes réussites et les paroles valorisantes. Il est important de les écouter, de les faire descendre dans ton cœur pour te les approprier et t’en nourrir.

Troisième piste : ne pas regarder en arrière après avoir choisi.

Prenons un exemple, celui de la décision de prendre une aide pour les soins de ta maman, de ton conjoint ou de ton fils. La personne choisie a les compétences pour le faire. C’est son métier. Si la culpabilité resurgit avec son ressassement et le mal-être qu’elle peut engendrer, tu peux avoir à nouveau recours aux paroles valorisantes. Tu as décidé d’être présente d’une autre façon pour ton aidé, une façon plus ajustée à ta réalité et à la sienne. Tu n’es pas maltraitante ou absente, tu as juste des limites et n’est pas toute puissante.

La quatrième piste qui m’a été bien utile est le fait de travailler sur soi. L’écriture ou la thérapie te permettent de déposer ta souffrance, de mettre des mots sur l’objet de tes culpabilités. Tu découvriras plus facilement où elles trouvent leur origine et comment t’en défaire. C’est un beau chemin de libération.

Chère Fabuleuse, tu as sans doute appris quand tu étais petite à dire “bonjour”, “merci”, “s’il te plait” et “pardon”. Ces mots magiques fluidifient nos relations avec les autres. Je t’invite à te les dire pour que les relations que tu entretiens avec toi soient faites d’accueil bienveillant: “bonjour”, de gratitude pour qui tu es: “merci”, de respect pour toi-même: “s’il te plait” et d’acceptation de tes limites: “pardon”.

N’hésite pas à nous partager par mail ou sur le blog l’outil que tu mets en place pour ne pas laisser la culpabilité te prendre toute ton énergie.
Je te souhaite de vivre chaque jour un peu plus libre, consciente de ta valeur et confiante en tes choix.



Partager
l'article sur


Cet article a été écrit par :
Blanche Renard

Thérapeute formée à la méthode Vittoz, je suis aussi maman de six enfants. Je suis l’aidante de notre dernier : né avec une malformation, il a une maladie chronique. Il est aussi dyspraxique et porteur d’un TSA. Je suis parfois aidante de ma mère. 

Ma mission est de répondre aux mails des Fabuleuses Aidantes ; j’ai à cœur d’écouter, de me laisser toucher et d’encourager chacune dans son quotidien atypique.

Articles similaires

Divers

Entre-nous : ma boîte à bonbons (PARTIE 1)

Chère fabuleuse aidante,  Aujourd’hui, je n’ai ni envie de te faire de longues explications théoriques ni d’analyser notre situation d’aidante…

Divers

J’ai du mal à me reposer !

Tu en a rêvé depuis des mois : te poser, te reposer, débrancher de la maladie, du handicap, des syndromes en…

Divers

« Apprends à qualifier tes besoins d’aide »

Axelle Enderlé se dit « citoyenne engagée ». Mère d’une fille en situation de handicap, elle transforme ses épreuves en…