Beaucoup d’articles ou de sujets sont consacrés à l’annonce du diagnostic de l’enfant, celle avec un grand “A”, comme s’il n’y en avait qu’une. Bien sûr, celle-là, la toute première, est déterminante car elle fait basculer la famille dans un autre monde : celui de la pathologie, du handicap, un monde inconnu avec plus de difficultés et de défis que prévu.
Il y a clairement un avant et un après car l’avenir de l’enfant (et de sa famille) en est modifié, d’une intensité plus ou moins grande selon le diagnostic posé. Il y a aussi la façon dont cette annonce est faite.
Pour ma part, ce fut horrible !
Pour l’annonce du polyhandicap de notre fils, nous n’avons pas été convoqués, son papa et moi, dans le bureau du médecin, ensemble pour que les choses soient posées avec un minimum de psychologie. Non, non, non, moi, j’ai eu le droit toute seule à la version express, low cost : la neuropédiatre est venue faire sa visite quotidienne habituelle dans le service de pédiatrie où nous nous trouvions et nous étions en chambre double.
Il y avait l’autre famille et même la femme de ménage qui passait la serpillère.
Je ne me doutais pas une seule seconde qu’un diagnostic allait m’être annoncé… Eh bien si ! Ce médecin me l’a annoncé de but en blanc, de façon anodine :
« Nous avons découvert à l’IRM que votre fils a des malformations cérébrales qui n’étaient pas là pendant la grossesse et qui génèrent un polyhandicap »
Coup de massue sur la tête qui fait que mon pilote automatique s’est aussitôt déclenché :
« Euh, ok, c’est grave ou pas ? » Et là, elle m’a menti : « C’est modéré » Deux mois plus tard, par hasard, en récupérant un courrier entre médecins, elle indiquait que c’était grave.
Bref, elle est aussitôt repartie, m’indiquant que cela expliquait les crises d’épilepsie, qu’une prise en charge allait être mise en place, etc. Je suis restée là, au pied du lit, sonnée, comme si j’étais dans une bulle alors que tous les autres continuaient leur vie bien tranquillement, inconscients de ce qui venait de se jouer dans la nôtre. Une telle annonce marque profondément et il m’a fallu des années pour me libérer du ressentiment envers cette neuropédiatre si inhumaine.
Mais à bien y réfléchir, ce ne fut pas la seule annonce marquante car, quand on a un enfant avec handicap(s) ou pathologie(s), celle-ci n’est que le début d’une série.
Potentiellement, chaque visite chez un spécialiste peut révéler un nouveau diagnostic.
J’ai tant d’exemples en tête : par exemple, un rendez-vous avec le chirurgien orthopédique. J’y arrivais relativement tranquille et là, bim, il m’annonce qu’il va falloir opérer très rapidement mon fils pour faire une ténotomie de la hanche droite car il y a un risque de luxation. Or, nous sortions tout juste d’une période très compliquée de plusieurs mois avec des détresses respiratoires en pagaille et une opération du larynx.
On commençait juste à souffler et là, il nous annonçait qu’on embarquait pour une autre galère !
Sérieusement ?! Là, je l’ai mal pris, j’ai bien pleuré dans la voiture en rentrant car trop, c’était trop.
Ces autres annonces, on n’en parle pas assez à mon goût alors qu’elles sont elles aussi importantes, car elles laissent des traces dans le cœur des parents et dans leurs cellules. Elles sont à prendre en considération autant que la première car elles peuvent être choquantes, épuisantes, remuantes, elles peuvent réveiller des peurs, elles peuvent bouleverser le quotidien parfois déjà bien fragile.
Les nommer, déposer les ressentis qui sont là constitue une première étape, indispensable selon moi si on ne veut pas risquer de les enterrer pour qu’elles explosent mieux ensuite, quelques semaines ou des années plus tard, de façon démultipliée.
Je l’ai expérimenté moi-même, pensant avoir géré les situations au fur et à mesure alors que je n’avais fait que les effleurer, trop prise par le tourbillon du quotidien, par l’accompagnement de mon fils et de sa sœur. Je sais, tu te dis peut-être : « Ok, je vais les nommer et après ? » Et après ? Déposer est le début du processus de libération.
Ensuite, mettre de la lumière sur ce qui se joue en arrière-plan (émotions, croyances, etc.) permet alors de mieux vivre ces moments, de les traverser, de les transformer, de retrouver son pouvoir dessus. Il y a plein de choses à faire pour se libérer et ainsi retrouver de la sérénité !
Il y a aussi les annonces qui libèrent car elles viennent confirmer ce qu’on pressentait,
parce qu’elles viennent acter un état, une situation, permettant ainsi d’avancer, d’envisager des solutions ou au moins des prises en charge. Ces diagnostics-là apportent une forme de soulagement via leur clarté, elles rendent un nouveau chemin possible. Ils méritent, selon moi, d’être également abordés avec soin pour un mieux-être immédiat et futur.
Chaque annonce est importante et apporte un changement, petit ou grand, positif ou plus difficile pour l’enfant et sa famille. Chaque être humain a besoin d’être entendu et reconnu dans ce qu’il vit, c’est un besoin fondamental.